Enfin un film grand public qui s’intéresse aux problématiques liées aux sols agricoles! Mission régénération, un film américain, souhaite montrer que le non-travail du sol permet de stocker du carbone et de limiter l’érosion. Autres aspects remarquables : la mise en avant du rôle positif des prairies et de l’initiative de stockage du carbone 4 pour 1 000.
Mais à part ces points, ce film n’a strictement aucune rigueur ni aucune honnêteté intellectuelle. Tout mélanger, simplifier à l’extrême les problématiques, ne rien nuancer et même mentir sont les maîtres mots de ce long métrage. Bien évidemment, les réalisateurs n’ont pas manqué de tomber dans les pièges habituels. Ils confondent le travail du sol et le recours à la chimie sans évoquer le fait qu’on ne peut pas se nourrir en se privant de ces deux outils simultanément. « Pratiquer l’agriculture afin de piéger le carbone exige une réduction radicale de l’emploi de pesticides, d’OGM, et de produits de synthèse », explique le film. Il tombe aussi dans le piège de critiquer le glyphosate tout en promouvant le non-travail du sol, deux propositions antinomiques. Enfin, les réalisateurs n’ont pas manqué de mettre en avant un lien entre les pesticides et les gaz utilisés dans les camps d’extermination nazis. Ce point Godwin*, qui fonctionne généralement très bien sur le cerveau du téléspectateur de base, illustre ici la faiblesse du raisonnement. Autre mensonge : un agriculteur explique devant la caméra qu’une association de 19 variétés apporte en un an autant de vie au sol qu’une culture avec une seule variété en apporte en 19 ans. C’est à se demander si les agriculteurs interrogés ne sont pas des acteurs qui ont appris un texte par cœur. Le film laisse aussi entendre que les bovins engraissés dans des feed-lots émettent du méthane mais pas ceux qui pâturent en prairie. Mission régénération procède à de très nombreux raccourcis. Il affirme par exemple que le stockage du carbone dans le sol suffirait à inverser le réchauffement climatique sur toute la planète, sans qu’il ne soit fait mention de la nécessaire réduction de la combustion des énergies fossiles et des émissions de méthane et de protoxyde d’azote.
Selon les réalisateurs, la solution à tous les problèmes serait, d’une part, l’arrêt simultané de tout travail du sol et de tous usages de pesticides et d’engrais et, d’autre part, le développement massif de l’élevage bovin extensif. Mais le film oublie de préciser quelle proportion de la population mourra de faim dans les quelques mois qui suivront la mise en place de ces recettes miracles. Encore un film binaire et de piètre qualité fait pour balader le spectateur non averti et le conforter dans un idéalisme déconnecté du réel. À quand un film grand public honnête, objectif et réaliste sur l’agriculture de conservation des sols telle qu’elle est pratiquée en France ?
*rapidité avec laquelle un raisonnement fait référence au régime nazi pour se justifier