Pour remédier au statut précaire du statut de conjoint collaborateur marié, pacsé ou en concubinage, et pour combattre le travail illicite, l’article 24 de la loi de finances de la sécurité sociale du 23 décembre 2021 en a modifié les règles.
Le IV bis de l’article L. 121-4 du code du Commerce issu de cette loi précise « qu’une personne ne peut conserver le statut de conjoint collaborateur pendant une durée supérieure à cinq ans, en tenant compte de l’ensemble des périodes et des entreprises au titre desquelles elle a opté pour ce statut ».
« Au delà de cette durée, le conjoint continuant à exercer une activité professionnelle de manière régulière dans l’entreprise doit opter pour le statut de conjoint salarié ou de conjoint associé. A défaut, il est réputé avoir opté pour le statut de conjoint salarié ».
Cinq ans de plus ou jusqu’à la retraite
Prenons l’exemple de Nicole, 45 ans, qui élève trois enfants. Elle a été déclarée conjointe collaborateur en 2000 par son mari Guy, exploitant individuel. Depuis 22 ans, elle participe aux travaux de l’exploitation sans être rémunérée. Avant le 31 décembre 2026, son mari devra la déclarer salariée (à temps partiel ou à temps plein) ou bien la déclarer exploitante agricole à part entière, comme lui.
La durée de cinq ans « s’apprécie au regard des seules périodes postérieures au 1er janvier 2022 », souligne Céline Sibout, ingénieure conseil agricole au cabinet Fiteco, membre du groupement AgirAgri. Il reste à savoir si l’exploitation agricole de son mari a les moyens de salarier son épouse, même à temps partiel.
Si Guy, le mari de Nicole, est membre d’une société agricole, les règles de changement de statut de sa femme sont similaires. À partir du 1er janvier 2027, elle devra être salariée ou associée exploitante, à moins qu’elle ne renonce à toute activité sur l’exploitation.
La sœur aînée de Nicole, Bernadette, a aussi le statut de conjointe collaboratrice sur une autre exploitation. Comme elle atteindra l’âge de 67 ans au plus tard le 31 décembre 2031, « elle pourra conserver, par dérogation, le statut de conjoint collaborateur après le 31 décembre 2026 et jusqu’à son départ à la retraite, explique Baptiste Faveraux, juriste agricole à Fiteco (AgirAgri). Autrement dit, Bernadette ne sera pas obligée de changer de statut avant sa cessation d’activité ». Mais celle-ci peut le faire si elle le désire.
Une avancée sociale pour les femmes
Au fil du temps, le statut de conjoint collaborateur à vie est appelé à disparaître. Le statut de conjoint collaborateur reste un moyen pour exercer une première activité dans une exploitation agricole. C’est l’option retenue par Sophie, la fille de Nicole, lorsqu’elle aura rejoint Guillaume, son compagnon, dans son exploitation. Mais elle mettra à profit ses cinq prochaines années pour préparer son projet professionnel et pour disposer d’un statut professionnel à part entière au sein de l’exploitation. À moins qu’elle ne décide entretemps de changer d’activité.
Le statut de conjoint collaborateur est un statut précaire aux droits limités. « Il permet de travailler dans l’exploitation de son conjoint, et d’être couvert en cas d’accident à moindre coût. Mais ce statut réduit le champ de cotisations pour la retraite, rappelle Céline Sibout. Aussi, de nombreuses épouses deviennent agricultrices lorsque leurs maris prennent leur retraite, même si ce ne sera pas là non plus suffisant pour percevoir une pension correcte ».
Mais Sophie et son compagnon font partie de la génération de jeunes actifs conscients de la précarité du statut de conjoint collaborateur, pour ne pas pouvoir s’en contenter. Ils feront en conséquence les choix qui s’imposent, malgré les coûts potentiels pour l’exploitation.
Pour accéder au statut de conjoint collaborateur, il faut travailler régulièrement dans l’entreprise et ne pas être rémunéré. Si l’entreprise est une société, le conjoint collaborateur ne peut pas en être membre. Pour rappel, le conjoint collaborateur bénéficie d’une protection sociale complète mais pas de l’assurance chômage.