Une récolte à 14% de protéines et quasiment exempte de grains germés, mouchetés et fusariés : le blé dur affiche en 2022 une qualité élevée, même dans les régions les plus au nord, ce qui va dans le bon sens pour assurer sa commercialisation. Les rendements font un score moins brillant, se situant dans la fourchette basse : 53,8 q/ha de moyenne en 2022 contre plus de 63 q/ha en 2020. Les conditions climatiques limitent depuis deux ans la productivité du blé dur et réduisent aussi sa marge brute.
Une qualité très sensible au climat de fin de cycle
Si les résultats qualitatifs du blé dur s’annoncent très bons en 2022, mis à part quelques cas, ce résultat n’est pas garanti tous les ans. « La qualité du grain reste très sensible aux conditions climatiques de fin de cycle. Elle peut basculer très vite, en particulier dans les régions exposées aux pluies », relève Matthieu Killmayer d’Arvalis. De fait, le blé dur se montre plus sensible aux fusarioses que le blé tendre et le risque d’accumulation de mycotoxines y est plus élevé. Pour accéder au marché alimentaire, le blé dur ne doit pas dépasser un niveau de mycotoxines de 1750μg de DON/kg. La réglementation devrait encore se durcir. En effet, une évolution du seuil à la baisse est attendue en 2023.
Installer une production dans des régions plus continentales ou plus au nord incite à la prudence. « Le blé dur est testé en Alsace depuis deux ans sur un peu moins d’un millier d’hectares. Mais pour le moment, les défauts de qualité ne le rendent pas facilement commercialisable » note Matthieu Killmayer. Jusqu’à présent, les secteurs propices à la production du blé dur les plus au nord se situent dans la Beauce, entre Blois, Orléans et le sud de Chartres. Les autres régions de production sont principalement le sud de l’Île-de-France, et quelques secteurs du Berry et de Touraine. Selon les notations du GIE blé dur, le type de sol conditionne aussi la productivité : « c’est dans les limons argileux profonds et sains que l’on observe les écarts de rendement les plus faibles entre blé dur et blé tendre. L’irrigation bien conduite permet d’obtenir de bons niveaux de rendement et des récoltes de qualité dans les sols plus superficiels ».
Trois variétés majeures
Le choix variétal, bien qu’élargi, ne permet pas de déplacer la culture vers d’autres secteurs. « Un blé dur résistant à la fois à la fusariose -maladie de fin de cycle – et tolérant aux accidents de qualité n’existe pas encore », observe Matthieu Killmayer. Les « variétés conseillées » actuellement pour les régions beauceronnes sont centrées sur Anvergur, RGT Voilur et Relief. Ces trois obtentions font preuve, depuis trois ans, d’un comportement fiable et d’une adaptation à différents milieux. Anvergur apporte un bon compromis entre rendement, qualité et rusticité. « Elle s’impose dans tous les milieux grâce à sa grande souplesse » notent les ingénieurs d’Arvalis. Avec un bémol : une sensibilité à la verse. Anvergur assure en général une bonne qualité technologique, car elle se montre peu sensible au mitadinage et apporte une teneur en protéines correcte. La variété RGT Voilur s’impose comme une autre une référence en région Centre, grâce à sa tenue à la verse, à sa tolérance aux maladies du feuillage et à la moucheture. Elle possède de bonnes teneurs en protéine, une faible sensibilité à la moucheture avec un comportement correct en mitadinage : en bref, un bon compromis entre rendement et qualité. Le blé dur Relief fait aussi partie des variétés à fort potentiel en tous sols et en résultats pluriannuels, mais se montre sensible à certaines maladies foliaires : mosaïque des céréales, rouille jaune, septoriose. De bonne qualité technologique, Relief est peu sensible au mitadinage, avec un taux de protéines moyen. Le renouvellement variétal se poursuit depuis deux ans. Trois nouvelles obtentions sont à essayer dans les secteurs les plus au nord : Canaillou, RGT Belalur, RGT Kapsur. Résistante aux maladies, Canaillou permet de réduire la protection fongicide. De leur côté, RGT Kapsur et RGT Belalur assurent des potentiels élevés. Belalur devrait en principe être développée dans la région Centre.
Vers un blé dur premium
Pour relancer les surfaces de blé dur, la filière a annoncé un nouveau « plan stratégique » début 2022. Le but est clair : il s’agit de contractualiser 15 % de la production d’ici à trois ans. Le plan prévoit aussi d’instaurer un blé dur « premium » en relançant la recherche variétale et en créant un socle qualitatif de production. Il reste peu de semenciers engagés dans l’amélioration du blé dur et renforcer les moyens de sélection pourrait élargir l’horizon génétique. Quatre grands axes de relance ont été identifiés : contractualisation, premium, financement de la sélection, projet ambitieux en génétique et agronomie. Toute une chaîne qui permettra de rendre le blé dur attractif pour les céréaliers et, a minima, de stabiliser les volumes actuels. Entre 2017 et 2022, la culture a perdu en France plus de 80 000 hectares et plus de 500 000 tonnes en volume. Le plan est en discussion entre la filière et les industriels.
- 600 000 tonnes de blé dur sont transformées.
- 500 000 tonnes de semoule sont produites.
- 240 000 tonnes de pâtes alimentaires sèches et 91 000 tonnes de couscous sont produites.