« Entre 2006 et 2015, j’ai eu un gros malaise dans mon travail », explique David Roger, agriculteur à Lissy (Seine-et-Marne). « Je ne me reconnaissais pas dans ce métier. J’en avais assez d’épandre des produits phyto, d’avoir une rotation simpliste (betterave, blé, orge) et de voir mes sols se dégrader année après année ». C’est au travers de la lecture de l’encyclique Laudato Si du Pape François que la vie de David Roger a changé. Ce catholique convaincu a décidé de passer sa ferme en bio pour « vivre sa foi dans son travail ». Il hésite avec le semis direct qui le passionne, mais choisit le bio pour ne pas avoir à utiliser de produit phyto qui le répugne. C’est donc en 2018 qu’il saute le pas, à l’encontre de la simulation économique réalisée par la chambre d’agriculture. « Je ne l’aurais peut-être pas fait sans le soutien financier de mon épouse », avoue ce père de quatre enfants. Mais ce que David Roger recherche avant tout, c’est un mode de production qui soit en accord avec sa philosophie de vie. Il ne vise pas à tout prix la rentabilité. « C’était soit ça, soit j’arrêtais le métier », avoue-t-il. La fertilité de ses terres et la bonne santé de sa ferme lui autorisent cette approche qui n’est pas transposable à tous. Pour autant, les 2 ou 3 premières années en bio ont été un gouffre financier. « Les subventions ne couvrent pas les baisses de rendement », explique-t-il. Et l’aspect économique n’est pas le seul à inquiéter l’agriculteur : « l’année 2018 a été un cauchemar car il a fallu réapprendre un nouveau métier (assolement long et cohérent, nouvelles cultures, …). Les plantes ne répondaient pas comme avant ». Il vend alors son automoteur avec beaucoup de satisfaction et investit dans le désherbage mécanique, généreusement subventionné.
« Le robot Farmdroid est une merveille »
David Roger décide d’arrêter la betterave au moment de son passage en bio. « La culture n’était pas intéressante à produire : le désherbage manuel mangeait toute la marge et, en plus, il fallait se confronter à la problématique de la main d’œuvre occasionnelle ». Mais quand la chambre d’agriculture de Seine-et-Marne lui propose un partenariat dans l’achat du robot Farmdroid, il revoit sa position. En effet, cette machine assure le semis et le désherbage des betteraves avec une haute précision et une grande efficacité. « C’est une merveille », s’enthousiasme l’agriculteur devant l’engin dont il vante la facilité d’utilisation. Selon l’agriculteur, pendant 15 jours à 3 semaines après le semis, il est difficile d’agir avec les moyens classiques (herse étrille, houe rotative). Le robot, lui, peut entrer en action sans abîmer les jeunes plants grâce à l’enregistrement des positions GPS de chaque graine. « J’ai gardé une bande témoin désherbée avec des moyens classiques (herse étrille, bineuse, houe rotative). À la fin, il restait 20 adventices au m2 sur le témoin, contre seulement 0,24 pour la partie désherbée au robot ». Le Farmdroid avance lentement mais fonctionne 24h/24, 7j/7. Il est conçu pour 25 ha, puisque c’est la surface qu’il peut semer ou désherber en une semaine, durée de retour entre deux désherbages. Le coût est relativement élevé (environ 100 000 euros) mais David Roger a bénéficié du cofinancement avec la chambre d’agriculture (50 %). C’est la première année que l’agriculteur cultive de la betterave. Il espère un rendement de 50 t/ha, payé 85 €/t.
Deux sojas de suite
Aujourd’hui, l’assolement de David Roger est très diversifié : blé, orge de printemps, luzerne, lentilles vertes, fèverole, soja, betterave, mélange pois/triticale et prairie. L’exploitation étant située dans une région très fertile, les rendements y sont particulièrement élevés et non représentatifs de l’agriculture biologique en France. L’agriculteur a l’habitude de cultiver deux années de suite du soja et obtient des rendements intéressants : le second soja offre des résultats bien supérieurs au premier et devient un très bon précédent pour le blé qui suivra. « Il me reste à mesurer les risques de faire succéder deux fabacées, ainsi qu’à comprendre pourquoi le deuxième soja offre un tel potentiel », explique l’agriculteur.
Côté fertilisation, l’agriculteur épand du compost de fiente de volaille bio après la moisson. Mais ce produit coûte de plus en plus cher et David Roger teste des stratégies alternatives : il se lance dans l’ensilage de sa luzerne qu’il épand sur les chaumes. Dans le blé qui précède l’orge de printemps, David Roger implante un trèfle sous couvert au mois d’avril. Cette plante végète sous le blé et explose après la récolte, pour être détruite par un labour au mois de janvier. Pour un coût de 25€/ha, l’agriculteur estime gagner 100 unités d’azote.
> Pour les votes, à lire aussi : Sylvain Rohrbach, le défi de la betterave dans la plaine d’Alsace