Au-delà des 48 % : c’est la portion de canne à sucre que les Brésiliens ont alloué à la production de sucre, et non au bioéthanol, sur la dernière quinzaine. Ce chiffre est à comparer à une moyenne, sur la campagne en cours, de 45 %. De 45 % à 48 %, il n’y a que trois points. Mais, à l’échelle du géant sucrier sud-américain, et sur la durée totale de la campagne, ces trois points peuvent représenter jusqu’à 2,5 Mt de sucre : la moitié de la production française !
Et cela suffit à expliquer l’apparition de premières prévisions mondiales autour d’un bilan mondial sucrier légèrement excédentaire pour 2022-2023, malgré des surfaces globalement stables sur la planète.
Ce changement brésilien s’explique par le fait que la valorisation de l’éthanol a pris un coup à São Paulo. A l’entrée de la campagne brésilienne, en mai dernier, l’éthanol hydraté se vendait 3,4 BRL/l. Le baril de Brent dépassait alors les 110 $/baril. Face à la grogne populaire, et à la veille des élections présidentielles, dont le premier tour est le 2 octobre, le gouvernement a décidé de baisser le prix de l’essence par cinq fois depuis l’été. L’effet, conjugué avec la baisse du prix du Brent qui est désormais autour des 85 $/baril, a été net : l’éthanol se vend désormais sous les 2,4 BRL/l.
La rentabilité du bioéthanol a donc fondu. À ce niveau de prix, il suffit aux Brésiliens de vendre leur sucre au-dessus de 14 cts/lb pour que ce débouché soit davantage rentable. Or, sur le marché à terme, il se vend toujours autour de 18 cts/lb. Autant dire que les Brésiliens ne s’en privent pas ! Pour l’instant, cela ne fait pas dévisser le marché mondial, qui reste autour de 18 cts/lb. Mais les spéculateurs sont plutôt pessimistes pour le moyen terme, et sont, aujourd’hui, nets-vendeurs de 2 Mt…
Ce n’est en tout cas pas cela qui fait vaciller le marché européen. Avec une production de sucre qui devrait atteindre les 15,5 Mt sur la campagne qui ouvre, le volume disponible devrait baisser de presque 0,7 Mt, conséquence de la baisse des surfaces et de la sécheresse de l’été. L’Union s’annonce donc importatrice nette de plus de 0,5 Mt. Et, face à un prix du spot qui reste stratosphérique, les importateurs s’en donnent à cœur joie : les contingents d’importation de sucre en provenance du Brésil, pourtant soumis à droit de douane réduit (dits ‘CXL’), sont déjà tous remplis. Et pas qu’un peu : alors que 265 000 t étaient disponibles pour toute la campagne 2022-2023, plus de 1,1 Mt avait été demandé par les opérateurs – avant même l’ouverture de la campagne ! Une belle illustration de la tension à l’œuvre dans l’Union…