Certaines plantes compagnes permettent de réduire les populations de pucerons verts sur betteraves, mais leur intérêt global reste à démontrer.
Associer des plantes compagnes aux betteraves sucrières est l’un des leviers testés sur le réseau des Fermes Pilotes d’Expérimentation (FPE) du Plan National de Recherche et d’Innovation (PNRI), pour réduire les populations de pucerons vecteurs de la jaunisse. La première année d’essai avait montré que l’avoine permettait de réduire le nombre de pucerons par betterave. Cette année, 40 essais ont été mis en place par l’ITB, les Services Agronomiques de Sucreries, et les lycées agricoles impliqués dans le PNRI. Un premier bilan a été dressé, et le résultat se confirme pour les graminées même si le nombre de betteraves colonisées par les pucerons reste important en raison d’une pression plus forte en 2022. La sensibilité des légumineuses vis-à-vis du désherbage des betteraves est une problématique difficile à gérer.
Un itinéraire technique délicat pour certaines espèces
Cette année encore, 9 espèces de plantes compagnes ont été testées pour identifier celles qui seraient les plus efficaces contre les pucerons, et les moins contraignantes par rapport à l’itinéraire technique betteravier (désherbage, destruction). L’effort a été concentré sur les graminées, l’avoine rude notamment, qui avait déjà permis de diminuer les populations de pucerons verts sur les betteraves en 2021 (numéro 1135 du Betteravier Français). L’orge de printemps, le seigle et l’escourgeon ont également été testés. La féverole, la vesce, le pois, le sarrasin, la moutarde et le fenugrec ont été évalués, ainsi que des associations de graminées et de légumineuses.
Les plantes compagnes ont été implantées au moment du semis des betteraves, ou 2 à 3 semaines avant pour qu’elles soient développées plus tôt dans la saison. La densité de semis visée est de 75 grains/m² pour les graminées et 20 grains/m² pour les légumineuses. La levée a été bonne pour la majorité des espèces, sauf pour une partie des avoines qui avait une très mauvaise vigueur germinative.
La sensibilité des plantes compagnes au programme de désherbage des betteraves est variable selon les espèces. Les graminées sont globalement peu affectées, même si l’orge de printemps est plus sensible que l’avoine. Pour les légumineuses, en revanche, la féverole accuse le coup sur certains sites, tandis que la vesce est totalement détruite dès les premiers traitements.
Moins de pucerons par betterave…
L’intérêt des plantes compagnes pour la réduction des populations de pucerons verts aptères a été évalué sur 50 essais conduits en 2021 et 2022, sur une partie du dispositif sans protection aphicide (voir tableau). Les résultats présentés montrent l’effet des plantes compagnes sur l’ensemble de cette période.
L’avoine et l’orge de printemps ont permis de réduire le nombre de pucerons par betterave pour 19 essais sur 39. Pour un essai, il y avait 10 fois moins de pucerons verts sur betteraves associées à l’orge que dans les betteraves seules sur toute la période d’observation mais, en général, l’écart est plus faible, de l’ordre de 2 à 3 fois moins de pucerons environ. Pour les autres essais, la pression en pucerons était plus faible (1 à 3 pucerons par betterave). Avec ces populations, un effet des plantes compagnes sur les pucerons verts semble être détecté pour la plupart des essais, mais ressort non significatif. L’année 2022 a permis d’évaluer l’effet des plantes compagnes sur les pucerons noirs aptères également, du fait de la pression assez importante observée dès le mois d’avril. En présence d’avoine et d’orge, seulement 6 essais sur 39 montrent une réduction significative du nombre de pucerons noirs sur betteraves, et autant d’essais attestent une augmentation. D’après ces résultats, le levier plante compagne impliquant des graminées ne semble pas intéressant pour limiter la présence des pucerons noirs.
Pour l’association avec des légumineuses, un tiers des essais ont montré une réduction des populations de pucerons verts aptères. Ces mauvaises performances s’expliquent en partie par un développement plus faible, voire nul, des plantes compagnes lié à la sélectivité du désherbage des betteraves, surtout en ce qui concerne la vesce. Le travail sur la féverole serait intéressant à poursuivre car cette espèce tient mieux le désherbage que les autres légumineuses, et des résultats satisfaisants ont été montrés sur les pucerons verts avec des populations de plantes compagnes correctes.
…Mais un nombre de betteraves touchées encore élevé
Pour toutes les espèces de plantes compagnes, une diminution du nombre de pucerons par betterave conduit parfois à une diminution du nombre de betteraves avec au moins un puceron vert aptère sur la période de suivi. Si les plantes compagnes semblent freiner la dynamique des pucerons verts, elles ne permettent pas, à elles seules, de rester en dessous du seuil d’intervention aphicide (1 puceron pour 10 betteraves) lorsque la pression en pucerons est élevée.
Combinaison aphicide et plantes compagnes
Certains dispositifs ont été dédoublés pour évaluer l’intérêt des plantes compagnes en plus d’un programme aphicide. Une réduction du nombre d’applications a été testée : 1 aphicide contre 3 aphicides pour un programme complet. L’application au seuil d’intervention d’un seul aphicide combinée aux plantes compagnes n’était pas suffisante pour contenir les fortes populations de pucerons verts dans le temps, du fait des nombreux vols de pucerons. Si les plantes compagnes permettent de réduire la dynamique des pucerons, un retardement de l’application de l’aphicide pourrait être envisagé dans les futurs essais, dans le cas d’un seul traitement aphicide.
Dans le cas d’un programme complet, l’effet de l’aphicide est dominant, et les plantes compagnes ne semblent pas avoir d’effet supplémentaire sur les pucerons (figure 2a). Exception faite pour 3 essais qui montrent une dynamique de pucerons verts différente après traitement, selon la présence ou non des plantes compagnes. C’est le cas, par exemple, de l’essai conduit à Hallencourt (80 – figure 2b) où les populations de pucerons sont plus faibles sur les betteraves associées à l’avoine après les deux traitements aphicides. L’enjeu est d’identifier les situations avec une véritable plus-value, en regardant notamment les effets sur la jaunisse.
Et après la destruction des plantes compagnes ?
L’objectif est de limiter la concurrence des plantes compagnes sur les betteraves, et donc de les détruire précocement. Or, le risque est d’avoir un effet de celles-ci sur les pucerons qui soit trop limité dans le temps pour qu’elles aient un intérêt. Les résultats ont montré que les graminées ont encore un effet sur les pucerons verts après l’intervention herbicide. Sur l’essai d’Hallencourt (80), une réduction du nombre de pucerons verts est observée 10 jours après le passage de l’antigraminées (figure 1). Pour la fréquence, en revanche, elle tend à se rapprocher du témoin de 10 jours après le traitement (figure 2b), tout comme l’essai des Attaques (62). Le délai de destruction de l’avoine a été assez long à Hallencourt, car elle était déjà à montaison lors de l’intervention, ce qui explique qu’elle ait encore un effet sur les pucerons. Si l’effet des plantes compagnes après destruction se confirme sur des stades moins développés, cela pourrait permettre de les détruire avant que la concurrence s’établisse tout en continuant d’agir sur les pucerons verts.
Perspectives
Les plantes compagnes ne permettent pas, à elles seules, de gérer la jaunisse dans des situations de forte pression, mais elles pourraient apporter une plus-value au programme aphicide complet dans les situations difficiles à contrôler. Une analyse complémentaire incluant l’impact sur la jaunisse et le rendement permettra d’affiner l’expertise quant à l’intérêt global de ce levier.
Le programme de désherbage des betteraves affecte peu les graminées. La féverole est plus touchée mais résiste sur certains sites et la vesce est détruite dès les premiers traitements.
Sur la moitié des essais, l’avoine rude et l’orge de printemps ont permis de réduire significativement le nombre de pucerons verts par betterave, et le nombre de betteraves touchées.
Dans le cas d’un programme complet, l’effet de l’aphicide est dominant, et les plantes compagnes ont eu un effet significatif supplémentaire dans peu de situations.