Le concept de souveraineté alimentaire, longtemps porté par la profession agricole, a encore marqué des points, ce 9 septembre. En tout cas, les mots utilisés par le Président de la République ont été assez forts, lors de l’inauguration des « Terres de Jim », organisée à Outarville, dans le Loiret.
Comme l’année dernière, où il avait annoncé une réforme de grande ampleur de l’assurance récolte, Emmanuel Macron est venu à la rencontre du monde agricole lors de la grande manifestation des Jeunes agriculteurs (JA). Son discours a été marqué par un appel à la mobilisation de toute la nation pour soutenir la souveraineté agricole et alimentaire. Toutes les mesures annoncées visent cet objectif : le Pacte d’orientation et d’avenir 2023, l’arbitrage sur l’assurance récolte et le possible durcissement la loi Egalim 2 en cas de non-respect des règles. « Si la deuxième saison d’Egalim 2 n’est pas au rendez-vous, je suis tout à fait prêt à ce qu’on continue à changer nos textes pour aller plus loin, protéger les producteurs et les transformateurs, en particulier les PME et TPE du secteur si elles continuent d’être sous la pression de certaines structures qui ne veulent pas jouer le jeu ». Certains évoquent déjà un Egalim 3.
Surtout, le Président a plaidé pour une sanctuarisation de l’usage agricole de l’eau. « Je veux que, dans les prochains mois, on puisse déployer et mettre en œuvre les projets qui ont été traduits dans le Varenne de l’eau. C’est absolument indispensable et je veux qu’on puisse aller au bout des bassines, des retenues collinaires. Nous le savons, la bonne utilisation de nos ressources en eau, c’est qu’on puisse en transparence consacrer et sanctuariser l’usage agricole et le multi-usages, qu’on dépassionne ces débats ».
Six mois de consultation
S’il assure défendre tous les modèles agricoles pour « garder notre indépendance », c’est bien une agriculture en transition, à cartographier par territoire, que le chef de l’État souhaite voir confier aux futures générations. « Je veux regarder avec vous le fait que vous ne ferez pas la même agriculture que vos parents. Le climat ne le permettra plus », a-t-il interpellé les jeunes.
Relever le défi démographique devient urgent : « on doit accélérer, donner de la visibilité à la jeunesse ». Le Président de la République invite à trouver collectivement « les bons instruments et investissements ». Dans les six prochains mois, Emmanuel Macron prévoit un travail de concertation pour bâtir le Pacte d’orientation et d’avenir. Mené dans les territoires, il conduira à la présentation d’un projet de loi au premier semestre 2023.
Le premier pilier du pacte vise l’orientation et la formation des jeunes. 20 M€ sont prévus dans le cadre du fonds « compétences France 2030 ». Le renforcement des connaissances sur l’hydraulique et la robotique sera orchestré en lien avec des compétences externes. Ainsi, un statut d’expert associé dans l’enseignement agricole sera créé d’ici à un an avec le soutien d’un réseau d’entreprises innovantes. Ce dernier devra s’appuyer sur les chambres d’agriculture, les instituts techniques, les régions… Les agriculteurs sont aussi invités à aller dans les établissements scolaires dès la 5e pour expliquer le sens de leur métier.
« Si on veut que des jeunes reprennent les exploitations, on doit continuer l’information et l’orientation. J’en ai assez de l’agribashing, de l’esprit de calomnie et de raccourci. On doit avoir un discours public qui assume l’importance de notre agriculture parce que tout le monde a envie de bien manger. Et si on veut bien manger, en préservant nos paysages, notre biodiversité, on a besoin de l’agriculture française. Il faut le dire haut et fort, le dire à la télévision, le dire dans les écoles et partout », a martelé Emmanuel Macron. « Ce n’est pas de la démagogie ; aucun progrès écologique ne peut se faire aux dépens de notre souveraineté », a-t-il poursuivi.
Le deuxième pilier du pacte d’orientation concerne la transmission. Emmanuel Macron appelle à co-construire les outils avec le ministre de l’Agriculture pour renforcer le dialogue entre les générations.
Portage du foncier
Pour l’installation, troisième pilier du pacte, le Président de la République veut un ticket d’entrée soutenable. Le fonds « Entrepreneurs du vivant » doté de 400 M€, piloté par le réseau France installation territoires et prévu dans le cadre de la PAC, doit faciliter le portage du foncier et l’investissement dans la transformation de l’exploitation.
Stress test climatique
Le quatrième pilier, transition et adaptation, accompagnera la révolution agricole sur fond de changement climatique. Il propose de mettre l’accent sur l’innovation et la recherche, en matière de robotique, de génétique et de biocontôle.
Emmanuel Macron a évoqué la réalisation d’un stress test climatique de l’exploitation avec les Chambres d’agriculture au moment de la reprise, car « il faut une feuille de route de la viabilité de l’exploitation ».
Enfin, pour accompagner la diversification du revenu, de la visibilité doit être donnée sur le carbon farming, des pratiques qui permettent de lutter contre le changement climatique. La betterave pourrait avoir une place de choix.
Emmanuel Macron a aussi annoncé vouloir accélérer les projets d’énergie renouvelable à travers une loi d’urgence. La loi sur les énergies renouvelables permettra d’aller plus vite sur l’agrivoltaïsme et sur les raccordements au réseau de distribution, afin de ne décourager aucun projet, y compris de méthanisation : « Ce ne sont que des lenteurs administratives qu’on va régler », a-t-il précisé.
Lutter contre les lenteurs administratives : une petite révolution serait donc en marche !
Changement climatique
Les chambres d’agriculture veulent accompagner les agriculteurs face aux conséquences du changement climatique. Concrètement, elles vont déployer un plan d’adaptation individualisé permettant de mettre en place, après un diagnostic personnalisé, les solutions les plus pertinentes pour assurer la résilience et la pérennité des exploitations agricoles. L’ambition est d’accompagner 100 000 exploitations d’ici 2030, a annoncé son président Sébastien Windsor, le 6 septembre, en conférence de presse.
La première étape consistera à « sensibiliser les agriculteurs à ce qui va se passer en 2030, 2040 et 2050 sur leur territoire », a-t-il précisé. Les chambres comptent ensuite réaliser des diagnostics tests dans 1 000 exploitations en 2023. À l’issue de ces premiers échanges, les conseillers identifieront avec les agriculteurs les leviers qu’ils pourront actionner : assurance, changement de variétés, de cultures, de système fourrager, de méthode de travail du sol, agrivoltaïsme, etc.. À partir de 2024, les chambres visent un rythme de croisière de 10 000 à 20 000 exploitations par an.