Tout le monde s’est un jour laissé séduire par un parfum de pain au chocolat devant une boulangerie. C’est un peu le principe que cherche à appliquer la start-up AgriOdor avec les pucerons verts qui provoquent la jaunisse de la betterave. C’est une des solutions qui pourrait remplacer les néonicotinoïdes. Le projet a enthousiasmé les planteurs lors de sa présentation par Ene Leppik, directrice de la société, à l’occasion de l’Assemblée générale de la CGB Centre-Val de Loire, le 16 juin dernier.
La petite firme basée à Rennes a été créée en 2019 et compte une douzaine de salariés, dont six chercheurs, docteur en chimie, neurophysiologiste, spécialiste des neurosciences, ingénieur. La fondatrice, Ene Leppik, issue de l’Inrae, a déjà déposé deux brevets sur la manipulation d’insectes. « Les humains fonctionnent surtout avec leurs yeux, alors que beaucoup d’insectes ravageurs sont presque aveugles et s’orientent avec leur odorat, en naviguant dans un monde d’odeurs. Nous cherchons donc les médiateurs chimiques susceptibles de les attirer, ou de les repousser », explique la chercheuse.
Dans le premier cas, les insectes sont attirés par un piège, sur des plaquettes engluées où ils viennent se coller comme pour un ruban à mouches. Cela permet de mesurer le niveau de la population générale. Dans le second cas, les odeurs sont appliquées dans le champ pour créer une barrière répulsive. La start-up cherche d’abord à optimiser le produit final en mariant les molécules chimiques, qu’elle appelle « blend », comme pour les assemblages de whiskies ! Ces blends d’odeurs sont testés ensuite en laboratoire pour vérifier leur efficacité, « mais nous passons très vite aux expérimentations dans les champs, car l’environnement est beaucoup plus complexe en situation réelle, surtout en fonction des saisons », ajoute Ene Leppik.
La stratégie de la manipulation du comportement des insectes a déjà été testée sur des légumineuses et les résultats sont bons. Elle permet un ciblage précis sur les insectes visés, et ne touche pas du tout les insectes pollinisateurs, contrairement aux phytosanitaires. À date, le nombre de pucerons verts présents sur les parcelles traitées a baissé significativement. La protection de la betterave se fait par pulvérisation ou épandage, pour répondre aux habitudes des planteurs. Ce projet est né à l’occasion du plan national de recherche et d’innovation (PNRI) lancé par le gouvernement pour remplacer les néonicotinoïdes.
Mais la contrainte du temps est forte. « Nous n’avons que trois ans pour réussir, et pour une société de recherche et développement, c’est très court ; c’est pourquoi nous passons très vite d’une expérimentation du labo au champ, avec des allers et retours, et des chercheurs à quatre pattes dans les champs qui comptent les pucerons pour valider les résultats », s’amuse la chercheuse. Elle recherche aussi des parcelles pour mener ses recherches. Dans la salle, un planteur particulièrement enthousiasmé par le projet s’est porté volontaire. Sans doute convaincu qu’il y a peut-être là un parfum de victoire possible sur le puceron vert et la virose de la jaunisse…