Voici les faits : suite à des dégâts causés par des sangliers sur des terres exploitées par M. et Mme [N], la fédération met en place, en 2009, des clôtures pour les protéger.
Les considérant comme insuffisantes, le couple d’agriculteurs obtient du président d’un tribunal de grande instance, statuant en référé, l’instauration d’une mesure d’expertise pour déterminer, d’une part, si ces clôtures sont adaptées, d’autre part, les travaux à engager pour protéger les cultures ainsi que leur coût.
Les agriculteurs assignent alors la fédération, sur le fondement des articles 1383, devenu 1241, du code civil et L. 426-5 du code de l’environnement, afin d’obtenir sa condamnation sous astreinte à prendre en charge les travaux préconisés par l’expert et à leur verser une provision à valoir sur la réparation de leurs préjudices.
Ils estiment donc que la fédération doit prendre en charge non seulement les dégâts causés à leurs cultures, mais aussi les nouveaux travaux de prévention, ces clôtures destinées à protéger leurs champs.
Premiers succès des agriculteurs
Le couple obtient d’abord satisfaction. Par jugement du 26 juin 2017, un tribunal de grande instance condamne la fédération à prendre à sa charge le coût des travaux préconisés par l’expert. Ce jugement est confirmé par la Cour d’appel d’Angers. Celle-ci condamne la fédération départementale des chasseurs de la Mayenne à prendre à sa charge les travaux préconisés par l’expert et à rembourser les factures acquittées à ce titre par les époux [N], dans un délai de deux mois à compter de la présentation de la facture, et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, la cour ajoutant que l’astreinte provisoire courra pendant une durée de quatre mois. La fédération des chasseurs de la Mayenne se pourvoit alors en Cassation.
Le raisonnement de la Cour de Cassation
La Cour casse l’arrêt de la Cour d’appel et fait les commentaires suivants : « si la Fédération départementale des chasseurs peut prendre à sa charge les dépenses liées à la prévention des dégâts de grand gibier (…), l’indemnisation qu’elle peut être contrainte de verser à l’exploitant, lorsque les conditions légales sont réunies, est limitativement définie par l’article L 426-1 du code de l’environnement et ne peut avoir pour objet que la réparation des dégâts causés aux cultures et aux récoltes agricoles par des sangliers ou des grands gibiers ; en condamnant la fédération départementale des chasseurs de Mayenne à financer la mise en place d’une clôture préventive sur le terrain des époux [N], la Cour d’appel a violé les articles L 426-1 et L 426-5 du code de l’environnement ».
Et elle précise : « si la loi du 7 mars 2012 a consacré, à l’article L. 426-5 du code de l’environnement, un principe général de prise en charge, par les fédérations départementales et interdépartementales des chasseurs, des mesures de prévention des dégâts causés par le grand gibier, elle ne comporte aucune disposition ouvrant à un exploitant agricole un droit à la prise en charge, par ces fédérations, sur le fondement de ce texte, du coût de mesures de prévention de dommages susceptibles d’affecter son exploitation (…) l’article L. 426-5 ne peut qu’être interprété comme instaurant l’obligation de financer les travaux de prévention nécessaires, et en déduit qu’il appartient seulement à l’exploitant de démontrer la nécessité d’une action de prévention des dégâts causés par le grand gibier ». La Cour déboute les demandeurs et les condamne aux dépens.
On retiendra de cet arrêt que les fédérations départementales de chasseurs n’ont pas « obligation légale » de financer des clôtures. C’est une décision qui réjouira la fédération nationale des chasseurs (FNC), déjà submergée par le montant astronomique de l’indemnisation des dégâts de grand gibier.