En mai dernier, personne ne pensait que le prix de la tonne de blé allait durablement rester au-dessus de 400 €. Le marché des céréales était alors sous l’emprise de mouvements spéculatifs qui n’avaient épargné aucun marché des matières premières. Le conflit de la Russie avec l’Ukraine a complètement perturbé leur fonctionnement.
Le 6 juillet dernier à Rouen, la tonne de blé valait 340 € après avoir perdu plus de 50 € en trois semaines. Dans la foulée, l’orge fourragère valait moins de 300 €.
En fait, les cours des céréales ont diminué dans le sillage de ceux de l’ensemble des matières premières, y compris du pétrole. Les marchés boursiers redoutent une crise économique, un ralentissement de la croissance et des taux d’intérêts qui renchériront le coût des dettes des États.
Les opérateurs prennent de plus en plus conscience de la dimension géopolitique des échanges commerciaux de céréales. L’évolution des prix des grains est sous l’influence de plusieurs facteurs contradictoires qui outrepassent les règles habituelles de fonctionnement des marchés.
Selon le site Sovecon.com, la Russie serait en mesure de récolter 133 Mt de céréales, dont 87 Mt de blé et 19 Mt d’orges. Le pays serait ainsi en mesure d’exporter 40 Mt de blé et 4 Mt d’orges.
S’il n’y avait pas de conflit dans la mer Noire, une telle nouvelle aurait rassuré les courtiers puisqu’elle annonce un meilleur approvisionnement des marchés des céréales.
« Mais la Russie n’hésitera pas à brandir l’arme alimentaire et à faire pression sur certains pays importateurs pour affirmer sa puissance », a affirmé Dmytro Kuleba, ministre ukrainien des affaires étrangères.
Le site Ukrainagroconsult (UAC) affirme que l’Ukraine sera en mesure de produire 50 Mt de grains cette année, ce qui lui permettra d’exporter 30 Mt dont une dizaine de millions de tonnes de blé.
L’Ukraine tente d’exporter ses céréales
« Mais notre pays est attaqué, bombardé et pillé par des criminels russes », s’époumone le ministre ukrainien des affaires étrangères. La Russie tente de mettre la main sur les récoltes ukrainiennes indispensables pour assurer la sécurité alimentaire de la planète ».
Évidemment, l’Ukraine ne baisse pas les bras. Les voies de chemin de fer qui relient le pays à la Roumanie ont été aménagées pour permettre aux trains ukrainiens de traverser le pays jusqu’au port de Galati, sans rechargement à la frontière roumaine. En attendant, plus d’1,2 Mt de grains a été expédiée le mois passé par train et par camion, selon UAC, contre moins de 350 000 t au mois d’avril.
Avec plusieurs semaines d’avance, les moissons ont débuté dans l’hémisphère nord. Les remontées du terrain ne contredisent pas fondamentalement les prévisions établies par les divers organismes compétents.
En France, la production d’orges est estimée à 11,2 millions de tonnes (Mt), en baisse par rapport à 2021 (-2,4 %) et celle de blé serait d’environ 32,9 Mt d’après FranceAgriMer. Selon Arvalis et Intercéréales, la prochaine récolte de blé serait permise par un rendement de blé moyen qui atteindrait 69,5q/ha, inférieur à 3 % à la moyenne des dix dernières années. Le taux de protéines est d’ores et déjà estimé à 11,6 %.
« Il faut souligner une hétérogénéité inédite de cette récolte sur tout le territoire », soulignent les deux organisations dans un communiqué paru le 1er juillet dernier.
Toutefois, la France sera présente sur les marchés internationaux pour exporter du blé aux pays qui en ont besoin. La quasi parité de l’euro avec le dollar rend les céréales françaises très compétitives même auprès de l’Égypte qui a commandé, fait inhabituel en début de campagne, 360 000 t de blé livrables d’ici le mois d’octobre. Le pays tente de diversifier ses sources d’approvisionnement puisque le bassin de la mer Noire est devenu une région risquée.