« Le groupe coopératif Tereos opère un changement de gouvernance substantiel« , estime Bertrand Valiorgue, professeur de stratégie et de gouvernance des entreprises à emlyon business school. En abandonnant la structure de Conseil de surveillance et directoire pour un retour au Conseil d’administration – schéma traditionnel pour les coopératives –, Tereos veut renforcer la proximité avec ses adhérents. Décryptage.
Fallait-il réformer la gouvernance de Tereos ?
C’était une promesse de Gérard Clay lors de son arrivée à la présidence. Les membres du Conseil de surveillance étaient trop éloignés des enjeux industriels et économiques de l’entreprise. Ils étaient surtout centrés sur les aspects agricoles alors que les décisions sur les diversifications et le développement à l’international étaient traitées au niveau du directoire. Les agriculteurs n’avaient pas la main sur la vie de l’entreprise. Le passage d’un Conseil de surveillance à un Conseil d’administration est un gros changement en matière de gouvernance.
Que pensez-vous de la nouvelle organisation ?
On retrouve de manière classique le Conseil d’administration dans toutes les coopératives. Mais ici, l’originalité est que Tereos se dote d’un Conseil d’administration restreint et fait entrer des administrateurs indépendants, qui pourront apporter d’autres éclairages que celui du monde agricole. Simultanément, il y a un Conseil coopératif qui permet de rester en prise directe avec l’activité agricole. Sur le papier, c’est un schéma intelligent qui donne une grande agilité dans la gouvernance, avec un Conseil d’administration qui pèse sur la stratégie tout en restant en contact avec le terrain. Il s’agit d’une vraie innovation pour une grande coopérative agricole.
Pensez-vous que la crise qu’a connue Tereos soit en partie causée par sa gouvernance ?
La gouvernance d’une coopérative résulte d’un bon équilibre entre le président, qui représente les agriculteurs, et le directeur général qui fait fonctionner l’entreprise. Il faut que les prérogatives de ces deux personnes soient à la fois équilibrées et complémentaires. Dans le cas de Tereos, le président du directoire (NDRL : qui faisait office de directeur général) avait un pouvoir disproportionné par rapport au président.
N’y a-t-il pas un risque qu’un CA très resserré soit déconnecté du terrain ?
Les Conseils d’administration ont souvent 20 à 25 membres, ce qui permet certes de rester en contact avec les agriculteurs, mais c’est souvent au détriment d’une expertise pointue. Or, quand vous avez un Conseil d’administration trop large, il y a un risque de constituer des majorités et des minorités. Je pense qu’une grande coopérative doit avoir un Conseil d’administration pleinement engagé, avec une vraie vision stratégique. Il ne doit surtout pas faire de la politique.