Côme Pesquet est agriculteur et producteur de porcs charcutiers labellisés VPF (viande de porc française) à Grainville-la-Teinturière entre Fécamp et Dieppe. Il est l’oncle du célèbre astronaute et vit son métier avec passion, comme son neveu partage la sienne depuis l’espace.
Côme Pesquet n’aurait jamais pensé un jour cultiver du chanvre en plus des 15 hectares de lin qu’il produit. C’est son fils Simon, diplômé en agroécologie qui l’a convaincu de se lancer dans le chanvre textile avec le concours de l’association Lin et Chanvre Bio, car sa culture nécessite peu d’eau et peu d’engrais, seulement 50 unités d’azote par hectare. « La graine nécessite d’être légèrement enfouie pour que la levée soit efficace. Il faut un sol humide et, si la graine est bien semée, elle lève toute seule. Le chanvre laisse la terre très propre car rien ne pousse quand la tige grandit. Il est intéressant à incorporer dans la rotation des cultures, notamment le lin zéro phyto, et on expérimente la culture du lin sur une terre qui avait précédemment du chanvre », explique l’agriculteur cauchois.
Le chanvre, une fibre écologique.
« C’est encore un petit marché, mais on sent un engouement. Les industriels du lin attendent le chanvre », confie Jacques Follet, président de l’association Lin et Chanvre Bio. Côme Pesquet est allé visiter une filature en Alsace qui recherche de plus en plus de chanvre et il est convaincu « qu’il a un devenir important dans la fabrication des jeans ». Une centaine d’hectares est cultivée dans le Calvados et la Seine-Maritime n’est pas en reste.
Mais, à la différence du lin, la récolte du chanvre n’a jamais été mécanisée. L’obstacle vient d’être levé. La plante grimpe jusqu’à plus de 2 mètres et on cherchait à obtenir des tiges d’un mètre comme celles du lin pour pouvoir être transformées dans les teillages existants. Un prototype à été fabriqué en Belgique par la société Niels Hyler. Une automotrice qui arrache le pied de la tige de chanvre et la coupe à mi-hauteur avant de déposer la coupe en deux longueurs. Elle a été testée dans la plaine de Caen et sera opérationnelle cet été dans les champs de Côme Pesquet. Une belle prouesse technique.
La conception et l’acquisition de la machine ont bénéficié d’une subvention de 312 560 € de la région Normandie. La culture oubliée renaît de ses cendres. Le fil de chanvre est très résistant et permet d’obtenir des vêtements très solides. La France est le premier producteur de chanvre en Europe avec 10 000 hectares cultivés.
Crise dans le porc
Outre le lin et le chanvre textile, l’agriculteur cauchois cultive du blé, du colza, des pommes de terre de consommation et il est à la tête d’un important atelier de porcs charcutiers. Comme son père, Henri Pesquet dont il a pris la suite, qui avait créé en 1962 une maternité collective avec plusieurs associés, pour produire des porcelets ensuite engraissés chez chacun des associés, Côme Pesquet possède aussi une maternité collective comptant un millier de truies à Bertreville-Saint-Ouen, au sud de Dieppe, créée en 1989 avec 3 associés et 5 salariés.
Depuis deux ans, la maternité est chauffée par géothermie. « Nous récupérons de l’eau du forage à 100 mètres de profondeur, qui est à 12 degrés. L’eau est ensuite chauffée par un système de pompe à chaleur dans des serpentins sous les caillebotis. Nous avons diminué le coût du chauffage de la maternité d’un tiers », se réjouit l’éleveur.
Mais la crise a rattrapé les producteurs, surtout depuis la guerre en Ukraine qui a fait grimper les cours des céréales. « Le marché du porc a toujours été cyclique avec des hauts et des bas, mais là je n’ai jamais connu un marché aussi perturbé. Heureusement, nous avons des atouts régionaux : le lisier de porc que l’on épand dans les champs, nos propres cultures pour fournir une partie des aliments et des aides de l’État qui sont une bouffée d’oxygène. Mais si le crise perdure, la production française pourrait perdre 20 % de ses capacités », prévient l’éleveur confronté à de réelles difficultés, d’autant que la production porcine rentre pour 80 % dans le chiffre d’affaires de son exploitation.
Des betteraves sans néonicotinoïdes
L’agriculteur à la fibre écologique reprend volontiers à son compte le leitmotiv de son fils: diminuer le plus possible les intrants. Il utilise désormais le binage mécanique pour ses cultures de lin et de betteraves sucrières avec une herse à étrilles pour diminuer l’utilisation d’herbicides. Avec la coopérative de teillage Terre de Lin à Saint-Pierre-le-Viger (76), il expérimente sur un hectare la culture du lin zéro phyto.
En betteraves sucrières, le producteur de Fontaine-le-Dun expérimente les plantes compagnes, de l’orge et de l’avoine qui sont des pièges à pucerons vecteurs de la jaunisse des betteraves.
Depuis deux ans, le planteur n’utilise plus de semences de betteraves traitées aux néonicotinoïdes. Enfin, il bine mécaniquement les betteraves, diminuant de presque moitié les traitements d’herbicides .
À 58 ans, l’agriculteur est à bonne école avec ses fils experts en agroécologie.
> Pour les votes, à lire aussi : Samuel Proffit, le soja, star de l’assolement