Avec un budget de 20 M€, trois années d’expertise et 23 projets lancés, le Plan National de Recherche et d’Innovation a pour objectif de lutter contre le virus de la jaunisse, en proposant des solutions alternatives à l’utilisation des néonicotinoïdes. Afin de remporter le challenge lancé en 2021, la Ferme Pilote d’Expérimentation (FPE) de Nojeon-en-Vexin a débuté, il y a un an, ses premiers essais d’association de plantes compagnes aux betteraves. Sur les trois plantes compagnes semées en 2021, l’avoine s’avère être la plante la plus efficace contre les pucerons, avec une diminution de 70 % de pucerons verts par betterave. La féverole arrive en tête pour l’année 2022, avec une réduction de 50 %. « Ces premiers résultats sont encourageants, mais à prendre avec prudence », prévient Alexandre Metais, délégué régional de l’ITB Normandie.

Les auxiliaires prédateurs de pucerons

La présence d’auxiliaires, tels que les chrysopes prédatrices de pucerons, les hyménoptères parasitoïdes et l’implantation de bandes fleuries pour les attirer sont l’un des leviers évalués dans cette FPE. « En 2020, les auxiliaires arrivent trop tard, soit 5 semaines après les pucerons », déclare Amélie Monteiro, coordinatrice des projets jaunisse à l’ITB. Plusieurs stratégies de lâcher d’auxiliaires ont été envisagées pour 2022, avec des premiers résultats contrastés sur les pucerons verts aptères. Seuls trois sites sur les sept mobilisés ont rendu leur premier verdict. « L’interprofession se réunit toutes les trois semaines depuis 20 mois pour gérer l’ensemble du dossier », déclare Alexandre Quillet, président de l’ITB. « Nous avions 1000 jours pour sauver le soldat betterave, il nous en reste 400 », conclut-t-il. Ces premiers résultats doivent être analysés et comparés avec l’ensemble des FPE, afin d’envisager la suite des essais, déterminants pour l’avenir de la filière.

Un nouveau dispositif assurantiel

Face aux baisses de rendements rencontrées en 2020, l’un des volets du Plan National de Recherche et d’Innovation est axé sur la mise en place d’un nouveau dispositif assurantiel, afin de garantir un revenu brut moyen, en cas de pertes causées par la jaunisse. Ce « système assurantiel de transition », nommé Grecos, se dissocie de l’assurance récolte. Encore au stade de projet, aucune limite de durée d’application n’est envisagée à ce jour : Grecos interviendrait tant qu’aucune alternative n’a été trouvée pour pallier l’arrêt de l’usage des néonicotinoïdes. Le compte à rebours est lancé : les décisions d’assolement 2024 seront prises au moins de juillet 2023, la communication doit être faite au plus tard le 15 juillet 2023. « Nous sommes tenus de trouver des solutions : nous devons garantir aux planteurs qu’ils ne perdront pas 20 ou 40 tonnes de betteraves », annonce Alexandre Quillet, président de l’ITB.

« On retire un parapluie pour retrouver une régulation biologique »

POINT DE VUE DE CHRISTIAN HUYGHE, DIRECTEUR SCIENTIFIQUE DE L’AGRICULTURE À L’INRAE

« Nous sommes face à une situation de transition. Nous partons d’une situation qui est une protection chimique absolue, pour en faire une solution viable, soutenable, y compris avec un facteur temps, non négligeable. Les néonicotinoïdes, par construction, ont eu un impact sur tous les insectes. Nous devons en sortir. Mais l’arrêt des néonicotinoïdes a une incidence générale : l’ensemble des écosystèmes agricoles ont vu baisser leur niveau de régulation naturelle. On retire un parapluie pour retrouver une régulation biologique. L’objectif est de réussir cette régulation. Ce qui est difficile, c’est le fruit des 60 dernières années d’agriculture où les modes de production étaient axés sur une performance économique et productive. Nous avons au départ une tension entre la performance productive et la performance environnementale. La question que nous pouvons poser à tous les systèmes agricoles, que ce soit en France ou à l’échelle du monde : pouvons-nous passer d’une relation négative à un stade positif ? C’est ce à quoi nous essayons de répondre. Le PNRI est un projet inédit, qui a une ambition infinie. L’agriculture de demain est en danger, il y a une urgence à agir rapidement. Nous nous devons de résoudre ce problème, c’est l’engagement que nous avons pris ».