Modélisation de l’évolution de la cercosporiose
Les travaux de prédiction de la cercosporiose ont été approfondis par l’Association de Coordination Technique Agricole (ACTA) afin d’anticiper sa dynamique en cours de saison. Une première synthèse bibliographique a été réalisée afin d’identifier les covariables agronomiques et météorologiques d’intérêt. En parallèle, une dizaine d’années d’observations avaient été compilées pour servir de référence aux algorithmes. Les essais menés par l’ITB ces 10 dernières années sont également intégrés au fur et à mesure pour consolider les analyses. Aussi, les données du modèle Safran de Météo France (maillage de 8 km) sont utilisées afin d’avoir les informations les plus précises possibles pour chaque parcelle sur tout l’historique considéré. L’Acta avait déjà travaillé sur l’estimation de la précocité et de la sévérité des épidémies en utilisant des algorithmes de type « forêt aléatoire » et « gradient boosting ». Ces derniers mois, d’autres méthodes ont été mises en place pour prédire au jour le jour l’évolution des symptômes de cercosporiose. Les réseaux de neurones convolutifs ont été choisis pour leur capacité à modéliser ces phénomènes temporels, tout en restant relativement simples à paramétrer. Le taux d’erreur actuel est d’environ 5 % mais doit être confronté à des tests en conditions réelles.
Agrandissement du réseau de capteurs
La quantification autonome des symptômes de la maladie vient en complément de la modélisation. En effet, l’utilisation de capteurs connectés permet de surveiller un plus grand nombre de parcelles sans mobiliser plus d’observateurs. Plusieurs fois par jour, des appareils photos fixes prendront des images du couvert des betteraves situées juste en dessous d’eux. La haute définition des capteurs couvre une zone d’environ 1 m² tout en assurant une résolution suffisante des symptômes larges de quelques millimètres. Ces images seront envoyées par 3G jusqu’aux serveurs de l’ITB, où elles seront analysées par des algorithmes entraînés à reconnaître les taches de cercosporiose (cf encadré). Les résultats obtenus pourront alors enrichir les réseaux d’observation classiques comme celui du BSV et alimenter le modèle de prévision développé dans Cercocap. L’intégration de ces données acquises sur le terrain en temps réel permettra ainsi de diminuer l’incertitude des prédictions et de corriger d’éventuels biais grâce à des méthodes de couplage mathématique. Pour la campagne 2022, une vingtaine de parcelles seront équipées de ce dispositif et serviront à valider les algorithmes et la fiabilité opérationnelle de ce réseau de surveillance innovant.
L’Outil d’Aide à la Décision (OAD) en préparation
Le développement d’un outil d’aide à la décision permet d’intégrer de manière ergonomique les sorties des différents algorithmes tout en rendant possible la saisie des informations parcellaires. L’outil sera organisé en sous-modules interopérables permettant de récolter d’un côté les mesures de symptômes en temps réel, et de l’autre les résultats du modèle épidémiologique. Le couplage entre les deux permettra de diminuer l’incertitude sur les données météo et la physiologie de la maladie en recalant les calculs sur les observations au champ. De manière réciproque, les informations recueillies à un instant T sur les parcelles seront extrapolées grâce aux prévisions. Les capteurs connectés corrigeront le niveau de risque estimé de manière absolue, tandis que le modèle se projettera dans le temps et anticipera les contaminations. Ce découpage en API servira aussi potentiellement à l’avenir pour connecter un autre réseau de capteurs connectés, une source de données météo privée ou à enrichir un autre modèle. Une fois éprouvée, l’interface sera disponible gratuitement à partir du site de l’ITB. Chaque planteur pourra renseigner les caractéristiques déterminantes des parcelles : localisation, variété, date de semis… Celles-ci permettront de calculer les covariables utilisées par le modèle à partir des mesures météo et de la tolérance variétale. Les modèles seront ensuite actualisés pour estimer la dynamique future de la cercosporiose au niveau de la parcelle. L’outil fournira un conseil personnalisé en fonction des informations saisies et du risque de baisse de productivité.
Le développement a commencé pour fournir une version de test cet été. Quelques utilisateurs pourront manipuler l’interface et faire des retours sur son ergonomie, la fiabilité des prédictions et la pertinence des conseils prodigués. À partir de 2023, la version grand public prendra en compte ces évaluations et sera complétée par les modèles enrichis des observations des dernières campagnes.
« Le projet Cercocap bénéficie de la contribution financière du compte d’affectation spéciale de développement agricole et rural CasDar du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. »
Le « deep learning » est l’utilisation d’algorithmes très complexes (d’où le terme profond) constitués de neurones artificiels connectés en réseau. Ces techniques ont révolutionné l’analyse d’image au cours des dix dernières années, grâce à leur précision. Elles sont également plus simples à mettre en œuvre car leur apprentissage est automatisé. Cependant, il faut fournir un jeu d’entraînement fiable et très varié pour que le modèle puisse généraliser son apprentissage. Concrètement, pour Cercocap, cela consiste d’abord à récolter des milliers d’images de betteraves atteintes par la cercosporiose, ou saines, dans de multiples conditions de culture et de prises de vue. Commence ensuite un travail long et minutieux d’annotation, où il faut identifier sur les images les plus intéressantes la nature de chaque pixel. Cette association entre les images de feuilles et la segmentation de la maladie va servir de cible d’entraînement à des modèles inspirés des dernières publications. Les experts de l’Université d’Angers supervisent ce travail et optimisent les paramètres de l’algorithme et la diversité des images fournies. Des ordinateurs puissants sont mobilisés afin de manipuler une grande quantité de données et de réaliser rapidement une aussi grande quantité de calculs. Le précédent modèle, qui atteignait déjà les 60 % de précision, est ainsi en voie d’amélioration grâce à l’ajout de nouvelles données. En même temps, on « augmente » les images en reproduisant artificiellement des variations naturelles pour aider les algorithmes à généraliser leur entraînement : changement de luminosité, position des symptômes, rotation des feuilles… Une fois éprouvé sur les photos prises par les caméras connectées, le modèle sera intégré à une API afin de pouvoir être utilisé en cours de campagne sur les images acquises en temps réel. Ses performances pourront encore être améliorées au fil des années.
Les betteraves vont parvenir au stade de sensibilité aux maladies foliaires. Bien que ce début d’été soit annoncé plus chaud et sec que la moyenne saisonnière, il faudra être vigilant pour ne pas se laisser dépasser par une attaque fongique.
Des observations fiables
À partir de la couverture foliaire, l’ITB coordonne le réseau de suivi biologique du territoire en surveillant plus particulièrement les 4 maladies foliaires suivantes : cercosporiose, rouille, oïdium et ramulariose. Chaque semaine, les experts de la filière parcourent les parcelles des agriculteurs du réseau, identifient et estiment l’étendue des symptômes de maladies. Ces données sont remontées au niveau régional et vérifiées afin de déceler d’éventuelles erreurs de saisies ou d’identification, et de ne valider que les observations fiables.
Un outil interactif pour la visualisation du risque
Fort de ce maillage, l’OAD Alerte Maladies vous propose une carte interactive de la situation sanitaire. Plusieurs fois par jour, les dernières informations sont récupérées et analysées par un algorithme. De manière automatisée, les valeurs sont vérifiées de nouveau et comparées aux seuils préconisés par la filière. Les seuils sont ainsi adaptés selon le renouvellement des traitements, la proximité de la bordure littorale et la date du début de la protection, conformément aux recommandations du Pense-Betterave. Ainsi, chaque parcelle suivie se voit attribuer un nombre de traitements conseillés qui évolue au cours de la saison et selon la pression observée. Comme les itinéraires culturaux et les conditions locales influent beaucoup sur le développement des bioagresseurs, la carte vous offre un aperçu de chaque région et permet d’afficher la variété semée. Les pourcentages de feuilles touchées sont également disponibles, en survolant les points, afin de vérifier si un champ est plus ou moins proche du seuil d’intervention. Le site est accessible à tous, gratuitement, sans connexion ni inscription. Néanmoins, il ne se substitue pas à l’observation de ses propres parcelles avant de décider toute intervention.