Malgré un climat estival 2021 peu propice au développement des maladies du feuillage et de la cercosporiose en particulier, cette dernière s’est propagée à l’automne dans toute la France, confirmant la tendance des années précédentes. C’est désormais ce champignon qui déclenche le premier et le deuxième traitement fongicide sur l’ensemble des régions betteravières.
Une stratégie en trois étapes
En premier lieu, semer une variété tolérante demeure la mesure la plus efficace contre cette maladie. Une variété appropriée procure une plus grande flexibilité dans les traitements fongicides. Cela évite souvent un traitement supplémentaire et un moindre développement automnal des symptômes.
Ensuite, positionner précisément les traitements fongicides est primordial : il s’agit d’observer les symptômes dans chaque parcelle et de respecter les seuils d’intervention. L’Outil d’Aide à la Décision « Alerte Maladies » informe en temps réel sur l’apparition des maladies (plus de détails sur cet OAD dans la dernière page de ce cahier technique). Concernant la cercosporiose, le seuil pour le premier traitement est de 5 % de feuilles avec présence de symptômes pour la bordure littorale, et de 1 % pour les autres régions. Pour les deuxièmes et troisièmes traitements, les seuils sont respectivement de 20 et 25 % pour toutes les régions.
Dernier point, le choix du produit doit être adapté à la maladie présente.
La figure ci-dessous, réalisée sur la base des essais de l’ITB, représente la performance des produits, maladie par maladie. Afin d’éviter l’apparition de résistances et d’optimiser l’efficacité des produits, les doses d’homologation doivent être respectées. En cas de forte pression de cercosporiose, l’ajout au mélange fongicide du produit Airone SC à base de cuivre contribuera à mieux protéger la culture. Attention, l’usage de ce produit requiert une dérogation de 120 jours déposée par l’ITB et est encore en cours d’instruction (voir encadré sur les évolutions réglementaires).
Une note commune en betterave
Une note commune à l’Inrae, l’Anses et l’ITB, intitulée « Gestion des résistances des bioagresseurs aux produits phytopharmaceutiques en culture de betterave sucrière » a été publiée en avril de cette année. Ce document fait le point sur les bioagresseurs de la betterave qui ont posé problème au cours de l’année 2021 et sur les résistances aux produits phytopharmaceutiques utilisés. Cette note a pour objectif d’aider les agriculteurs à réduire les résistances déjà installées (gestion) ou de limiter le risque de sélection de nouvelles résistances (prévention) en utilisant des méthodes prophylactiques (variétés tolérantes, désherbage mécanique…), l’association de modes d’action différents ou leur alternance. En effet, l’utilisation répétée de produits phytopharmaceutiques peut mener à sélectionner des individus résistants de plus en plus nombreux. Ce risque est d’autant plus grand que le même mode d’action est toujours utilisé.
Cette note est divisée en 3 sections : maladies du feuillage, insectes et adventices. Chacune d’entre elles présente le même plan : bilan épidémique de la campagne 2021, méthodes de lutte prophylactiques, état des lieux des résistances et recommandations.
Concernant la section maladies du feuillage
Les résultats présentés dans le cadre du projet Recife ont permis d’élaborer un tableau avec les différentes substances actives. Pour chacune d’entre elles (homologuée ou retirée du marché), des précisions sur le type de résistance et le mécanisme associé, la tendance observée en 2021, l’efficacité du mode d’action et les recommandations générales pour 2022 ont pu être mentionnés. Un état des lieux des résistances pour les autres maladies du feuillage est également indiqué.
Les prochaines spécialités homologuées avec un autre mode d’action ayant une efficacité contre la cercosporiose seront à utiliser en priorité.
En annexe de cette note, sont présentés les différents modes d’action des produits phytopharmaceutiques utilisés en betterave ainsi que les cartographies des résistances aux produits chez les bioagresseurs de la betterave sucrière (la cercosporiose pour les fongicides, Myzus persicae pour les pucerons, ray-grass, vulpins des champs, chénopodes et atriplex pour les herbicides).
Les résultats ont montré que la résistance de Cercospora beticola aux strobilurines était généralisée et forte. Les spécialités à base de cette molécule sont donc déconseillées contre la cercosporiose. Concernant les triazoles, la majorité des souches présente une résistance croisée entre les différentes molécules de cette famille. Néanmoins, la proportion de spores résistantes au sein d’une population (mélange de spores présentes sur un lieu de prélèvement) est variable selon les substances actives. La performance des spécialités fongicides peut donc varier localement en fonction de la structure des populations de cercosporiose. Afin d’optimiser l’efficacité des traitements, l’alternance des molécules, ainsi que leur utilisation à leur dose d’homologation, sont nécessaires. Les résultats de ce projet ont été publiés en 2021 dans les numéros 1130 et 1139 des Cahiers Techniques du Betteravier français. Ils sont téléchargeables sur le site de l’ITB. Les travaux de Recife ont été réalisés en collaboration avec l’Inrae et l’Anses.
L’ITB, avec l’appui de la société Phyteurop, a demandé une dérogation d’AMM (Autorisation de Mise sur le Marché) de 120 jours pour le produit Airone SC. La réponse de l’administration est attendue dans les prochains jours.
Les produits à base de cyproconazole (Zakéo Xtra, Azerty Xtra…) sont désormais PPNU (Produits Phytosanitaires Non Utilisables). Leur application est donc désormais interdite.
Cette note est téléchargeable gratuitement :
Sur le site internet de l’ITB : www.itbfr.org
Sur le site R4P : Réseau de Réflexion et de Recherches sur les Résistances aux Pesticides : https ://www.r4p-inra.fr/fr/notes-communes/ Sur ce site, les notes communes des autres cultures sont également consultables.