Les planteurs de betteraves d’Île-de-France étaient réunis pour leur assemblée générale annuelle à Crisenoy, en Seine et Marne, sous la présidence de Jean-Philippe Garnot, qui est à la tête de la CGB Île-de-France. L’occasion de tirer un bilan des dures années passées, et d’essayer de tracer les perspectives, notamment avec la crainte de devoir se passer des néonicotinoïdes sans pouvoir faire face aux pucerons verts vecteur de la jaunisse des betteraves et mettent en péril toute la filière.
Alors même qu’ils n’étaient pas sortis de la crise de la suppression des quotas et de l’effondrement du prix du sucre « qui nous a fait perdre beaucoup d’argent », a indiqué Jean-Philippe Garnot, les betteraviers franciliens ont payé un très lourd tribut à l’épisode de jaunisse de 2020. Les 1 600 planteurs sur 40 000 ha – 10 % de la surface betteravière nationale – des départements de Seine et Marne, du Val d’Oise, de l’Essonne et des Yvelines ont été deux fois plus touchés que la moyenne des betteraviers français. Un vrai traumatisme. « La jaunisse est venue nous rappeler que les néonicotinoïdes n’avaient pas été introduits par hasard, il y avait déjà eu des épisodes qui avaient ravagé les récoltes dans le passé », a déclaré le président de la CGB Île-de-France.
Au niveau national, la perte de la filière s’est élevée à 1,2 milliard d’euros, dont 280 millions d’euros pour les producteurs (le reste pour les sucreries, les transporteurs…) et donc entre 50 et 60 millions d’euros pour les betteraviers franciliens. Certes, l’État a réagi, en nommant un délégué interministériel – Henri Havard -, en accordant 80 M€ d’aides et surtout en publiant des arrêtés permettant de réutiliser des néonicotinoïdes jusqu’en 2023. Certes, des planteurs présents à l’AG ont fait valoir combien l’indemnisation était loin de compenser les pertes, mais lors de la table ronde qui faisait de bilan de la situation et des actions à mener, y compris avec l’État, à laquelle participait Henri Havard, on sentait bien que l’ambiance n’était pas au conflit, mais à la recherche de solutions.
Meilleurs prix
Inspecteur des finances à Bercy, passé par les Douanes, la concurrence et la répression des fraudes, le délégué interministériel rappelle aux betteraviers la complexité juridique et la nécessité de faire avec. Ainsi, l’autorisation temporaire des néonicotinoïdes est assortie de contraintes sur les rotations en interdisant le maïs, du colza et d‘autres cultures mellifères pour succéder aux betteraves ayant fait l’objet de traitements. « Chercher à contester cette décision a peu de chances d’aboutir », a expliqué Henri Havard, qui préfère soutenir la décision de l’État d’investir dans le plan de recherche doté de 20 millions d’euros dont 7 par l’État et 13 par l’interprofession pour trouver des solutions alternatives pour lutter contre la jaunisse avec l’Inrae et l’ITB en première ligne. Il faudrait y parvenir d’ici 2024, un vrai défi…
Par ailleurs, bonne nouvelle sur le front économique. Les prix des betteraves sucrières vont s’améliorer, selon Cyril Lesaffre, PDG de la sucrerie du même nom basée à Nangis, en Seine et Marne. « En Europe, un déficit de production important se profile. Les prix du sucre se sont déconnectés de ceux du marché mondial à 700 €/t, contre 500 €/t et plus les acheteurs attendent, plus les cours montent. C’est très positif pour la filière. Au lieu de 27 ou 28 €/t, pour les nouveaux contrats, on serait plutôt aux alentours de 35 à 40 € la tonne ». Le sucre commence à suivre la tendance du colza et du tournesol, cultures plus rémunératrices que la betterave actuellement…