La filière brassicole recherche depuis des années des orges permettant des gains dans le process de fabrication, ainsi que des qualités de grains particulières. La sélection a bien avancé sur plusieurs volets, en particulier en ce qui concerne les variétés Null Lox.
D’autres profils technologiques pour la brasserie
Trois caractères génétiques intéressants pour les malteurs et les brasseurs peuvent être cumulés sur une même variété. Ces orges 3G possédent des traits génétiques particuliers, faisant l’objet d’un brevet détenu conjointement par Heineken et Carlsberg. Ainsi, les caractères Null Lox 1 et Null Lox 2 conditionnent une activité de l’enzyme lipoxygénase plus faible que sur une l’orge habituelle avec, pour effet, une meilleure qualité de la bière et une meilleure tenue de mousse. Le caractère Null Lox permet aussi une conservation beaucoup plus longue, ce qui est un avantage pour le brasseur. Le 2ème caractère d’intérêt O-DMS supprime la formation d’un composé, le diméthyle sulfate, lors du maltage, ce qui réduit de près de 50 % le besoin énergétique lors des processus de maltage et du temps d’ébullition au brassage. Les variétés d’orge 4 G possèdent un autre caractère intéressant, supprimant un composé – la proanthocyanidine – dans les grains. Ce trait permet une filtration plus facile et une meilleure stabilité colloïdale de la bière, tout en nécessitant moins d’intrants. Secobra Recherche développe déjà une variété rassemblant ces caractéristiques : « CB Score répond au profil Null Lox et 0-DMS. Les essais sont au stade pilote, car nous voulons valider tous les points techniques », souligne Florent Cornut de Secobra Recherche.
Des variétés sans fongicides ?
Les projets de recherche Rhyno (2019-2023) et Helmo (2020-2024), financés respectivement par le Casdar et le FSOV, s’intéressent aux nouvelles solutions de gestion des maladies foliaires de l’orge au bénéfice d’une filière brassicole qui révise ses manières de produire. Ces deux projets associent neuf semenciers, l’Inrae et Arvalis qui pilote le tout. Par exemple, les données génétiques obtenues avec Helmo conduiront à la mise au point d’indicateurs agro-climatiques, intégrés aux futurs outils d’aide à la décision. Ainsi, les traitements seront préconisés seulement dans les situations le nécessitant. Enfin, les deux projets comptent élaborer des outils basés sur des marqueurs moléculaires pour identifier les lignées prometteuses dans les schémas de sélection d’orges brassicoles d’hiver et de printemps.
Des brassicoles tolérantes JNO
Plusieurs variétés d’orge possèdent déjà la tolérance à la jaunisse nanisante de l’orge (JNO): Amistar, KWS Joyau, Margaux… Mais, une fois testées par la filière brassicole, elles ont été retirées après une année d’observation. D’autres sont testées, à l’exemple de KWS Exquis inscrit en 2021. Cette variété demi-tardive à demi-précoce est tolérante à la JNO, avec un bon comportement à l’ensemble des maladies aériennes, ce qui se traduit par une perte modérée de 11 q/ha en l’absence de protection fongicide. En moyenne pour les deux années d’inscription, KWS Exquis a été très productive, avec 7 % de plus qu’Etincel. De plus, 3 variétés tolérantes JNO inscrites début 2022 sont en test de validation technologique par la filière brassicole : Carrousel, Constel et LG Zelda. L’enjeu reste important pour la filière brassicole. Il faut rappeler qu’une variété sensible peut perdre jusqu’à 60 à 70 % de son rendement, une forte attaque de JNO pouvant faire disparaître les pieds. En revanche, le potentiel de la variété tolérante JNO n’est réduit que de 10 % en cas de forte pression. « Lorsque l’orge est semée à des dates normales, l’efficacité du gène de tolérance JNO approche souvent 100 % », signale Isabelle Chaillet, ingénieure chez Arvalis.
Assemblage variétaux
Sur l’orge, l’assemblage de plusieurs variétés au champ a été testé pour stabiliser les rendements, diminuer l’impact des maladies et de la verse. Les associations sont choisies pour produire une « collaboration » entre les variétés. Elles appliquent aussi le principe de compensation, faisant que la variété la mieux adaptée à la situation de l’année produira au maximum de son potentiel. La culture en mélange de variétés d’orge reste assez peu courante en France, du fait des standards de qualité exigés par les débouchés. Au Danemark, les assemblages de 3 ou 4 variétés d’orge pratiqués sur 9 % des surfaces ont récemment régressé. En effet, le mélange variétal ne garantit pas une germination des grains homogène et synchrone durant le procédé industriel de malterie. Les assemblages sont aussi testés depuis trois ans en Belgique, dans la région wallonne. « Les résultats de notre étude ont clairement mis en évidence que les variétés assemblées offraient des rendements plus stables que les variétés cultivées seules », rapportent les chercheurs belges. « Ils ont également permis d’obtenir de meilleurs résultats en ce qui concerne la résistance à la verse et à l’helminthosporiose ». Ces assemblages restent pour l’instant réservés aux orges fourragères.