On nous le répète encore et toujours : la nature est merveilleuse. Elle nous donne des leçons de vie. Les écologistes vénèrent « mère nature ». Ils la représentent sous les traits d’une déesse assise dans la position du lotus qui, bien que muette, nous prodiguerait des conseils de sagesse. Pour la majorité des citoyens, la nature est donc un monde parfait que l’homme détruit. C’est vrai en partie. En saignant les forêts, en dévastant les paysages, en bétonnant toujours davantage, en asséchant les marais, en épandant des produits toxiques, en polluant la mer et l’eau, notre civilisation l’a abîmée. La nature est-elle pour autant un modèle moral ? Les animaux nous sont-ils supérieurs ? Faudrait-il retourner à l’état sauvage pour connaître apaisement et sérénité ? Sûrement pas. Contrairement à ce qu’imaginent les cercles New âge, c’est un monde impitoyable. Il y a, bien sûr, les cataclysmes, les ouragans, les tempêtes, les raz-de-marée, les tremblements de terre, mais le mode de fonctionnement naturel est lui-même violent. C’est la loi du plus fort. Aucune pitié, aucune empathie, aucun sentiment. Le lycaon attaque le jeune gnou par l’anus, sort ses tripes et le dévore vivant. La femelle araignée mange son mâle après l’accouplement. L’ourse peut tuer son ourson et le lion son lionceau. Un blessé sera au mieux mis à l’écart, au pire mangé par le groupe. La « loi de la jungle » n’est pas une vue de l’esprit. C’est la réalité. On tente de la maquiller en attribuant aux animaux des sentiments qu’ils n’ont pas, en faisant d’eux des guides, des sages, voire des prophètes. C’est l’ours de Jean-Jacques Annaud « faisant grâce » au chasseur. C’est Rox et Rouky. C’est « le roi lion », juste et noble. C’est « frère loup », modèle dont nous devrions nous inspirer. C’est un parti « animaliste » qui enfle de mois en mois. C’est la mairie écologiste de Grenoble qui fait installer des plateformes aménagées pour les canards, « afin de les protéger des intempéries » ! Comme ils sont présentés comme tendres, affectueux et disposés aux meilleurs sentiments à notre endroit, il faudrait se rapprocher des animaux.
Certains le croient. Chaque année, dans la brousse africaine, des randonneurs « cools » et « antispécistes », pensant rencontrer leurs frères, périssent sous la dent du lion ou les pieds de l’éléphant.
« Ô Pastorales du XVIIIe siècle » !
L’écrivain Maurice Constantin-Weyer vécut longuement au Canada au début du XXe siècle. Il parcourut le grand nord en traîneaux à chiens pour faire le commerce de la fourrure et connaissait parfaitement la nature. Voici ce qu’il écrit dans son beau livre « un homme se penche sur son passé » : « la nuit est pleine de souffles et de soupirs. Si j’allais jusqu’à la saline, j’y trouverais, bien sûr, deux orignaux qui se battent pour une femelle. L’un d’eux en mourra sans doute … Et si j’allais jusque-là, les moustiques me suceraient quelques bonnes onces de sang… Oui, soupirs ! Et de volupté et de souffrance ! C’est le grand rythme de la Vie et de la Mort ! Ô pastorales du XVIIIème siècle, laissez-moi rire ! La Nature, la clémente Nature est un monstre aux griffes rougies de sang ! »
La chasse s’intègre dans cet ordre naturel. Elle n’a rien d’obscène, de barbare ni de révoltant. L’homme peut tuer des animaux et les manger. Des millions de bœufs, de poulets, de moutons et de porcs passent de vie à trépas chaque année. Mais le consommateur ne participe pas à l’acte et la viande sous cellophane ou pendue au croc n’a plus qu’un lointain rapport avec son propriétaire.
Il faut voir comment on fusille le chasseur dans les émissions de radio et de télévision ! C’est un assassin. L’accusateur a oublié que, pour la fête pascale, il a probablement dégusté le gigot d’agneau qu’il aime bien ou le cochon de lait grillé et que personne dans son entourage n’a jamais refusé le poulet du dimanche. Manger de la viande, oui, mais à condition de fermer les yeux sur l’origine.
Un chasseur désarmé est-il encore un chasseur ?
Le chasseur accepte le processus naturel et ancestral. Son chien aussi, qui bondit de joie quand il décroche le fusil. Il est dans la nature un prédateur raisonnable. Pourquoi casser l’ordre des choses ? Pourquoi tricher ? Pourquoi faire des animaux nos égaux et même nos supérieurs ? Cette évolution est relativement récente. À une époque pas si lointaine, tuer le cochon à la ferme était une fête réunissant petits et grands. Sur le continent africain, pour les fêtes, on sacrifie le mouton dans l’allégresse. En Occident, l’inversion du rapport de l’homme à l’animal peut produire des effets dramatiques. Si une ourse attaque un chasseur dans les Pyrénées et que ce dernier la tue, l’opinion le condamne. Il aurait mieux valu que l’homme périsse.
La hiérarchie du vivant a donc été inversée. La pression est très forte. Les chasseurs eux-mêmes ont du adapter leur langage. On ne dit plus « tuer » mais « prélever ». Dans le dernier clip de communication de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), l’arme a disparu. Ce ne sont que rires, embrassades et câlins. Un chasseur désarmé est-il encore un chasseur ? Faut-il vraiment le « déstructurer » comme dirait Sandrine Rousseau ? Ne convient-il pas, au contraire, de le conforter dans son intégrité ? J’ai posé la question à la FNC. On m’a répondu que, pour le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA), l’arme ne peut pas apparaître dans une publicité. Et qu’il a donc fallu se plier à cette censure …