Si les cours du gaz se maintiennent au niveau actuel, les factures de gaz pour les industries sucrières risquent de devenir salées lors de la prochaine campagne. Le prix de l’énergie est en effet le premier poste de coût des sites industriels, si l’on excepte les achats de betteraves aux producteurs. Le gouvernement a bien prévu des aides pour les entreprises dans le cadre de son plan de résilience, mais elles sont soumises à trop de contraintes. Elles sont accordées « dans la limite de 25 millions d’euros, à condition de subir une hausse des factures de gaz et d’électricité de 40 %, représentant plus de 3 % du chiffre d’affaires, et sous réserve de subir des pertes d’exploitation en 2022. La moitié de la hausse de leur facture énergétique leur sera alors prise en charge – dans la limite de leurs pertes », a détaillé le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie.
« Les conditions d’attribution des surcoûts fixées par Bruxelles ne permettront pas à un grand nombre d’entreprises d’en bénéficier, alerte Dominique Chargé, président de Coop de France, auquel adhère Cristal Union. Il y a un vrai risque d’arrêt d’activité pour les entreprises dépendantes du gaz ». Des négociations sont en cours pour faire évoluer le schéma. L’une des conditions pour obtenir les aides est que les entreprises plongent dans le rouge à cause de leur facture énergétique. « Impensable, on ne va pas produire à perte », réagit un professionnel.
Le gaz à 100 €/Mwh
Le périmètre de l’entreprise pose aussi problème. Une entreprise pourrait perdre de l’argent sur la déshydratation, mais en gagner sur d’autres débouchés. Du coup, pas d’aide. Le bon schéma serait plutôt un ratio sur les coûts de production, pour chaque site industriel. De plus, l’aide paraît faible par rapport au mur de hausse du prix du gaz qui s’annonce. Pour la campagne en cours, tout va bien, les contrats ont été signés avant la guerre en Ukraine. Selon un analyste, à un prix moyen de 20 € le Mwh, les 40 millions de tonnes de betteraves ont été transformées pour un montant d’environ 160 millions d’euros, toutes entreprises sucrières confondues. Mais si l’on prend le cours actuel du gaz à 100 €/Mwh, soit cinq fois plus que l’an dernier, pour la prochaine campagne, la facture va largement dépasser les 500 millions d’euros !
« C’est tout un écosystème qui est en jeu, indique un porte-parole de la coopérative Cristal Union. Car nous devons aussi penser à l’évolution des coûts pour les producteurs de betteraves, dont la situation est complexe avec la hausse du prix des engrais et des carburants ». Chez Cristal, on se veut pragmatique. Des arbitrages pourraient être faits pour réduire la consommation d’énergie, en réduisant l’activité déshydratation par exemple… Mais il faudra veiller à ce que la logistique suive, dans un contexte également délicat pour le transport routier !
Autre dossier chaud, celui des entreprises industrielles dites prioritaires en cas de pénurie énergétique, avec des opérations que le gouvernement appelle « délestage ». Les sucreries n’en font actuellement pas partie. En cas de besoin, on pourrait leur couper le gaz pour privilégier d’autres industries. « Il est impensable d’arrêter le process. On pourrait endommager l’outil industriel. Les sucreries doivent aussi faire partie des entreprises prioritaires, nous essayons d’en persuader le gouvernement », indique-t-on à l’AIBS (interprofession betterave sucre). Et il faudra bien sûr répercuter les hausses de prix du sucre aux industries alimentaires et aux distributeurs. Mais la hausse des cours européens du sucre n’a, pour l’instant, pas de comparaison avec l’envolée du prix du gaz : une affaire à suivre !