Il suffit de parcourir les plaines en France pour voir les magnifiques éclats jaunes des fleurs de colza qui colorent les paysages sous le soleil. Vu le prix des graines, on voit bien que les producteurs ont largement semé. D’après Agreste, la sole de colza atteindrait près de 1,2 million d’hectares, en hausse de 20 % par rapport à l’an dernier. Et si le rendement est aussi bon que l’an dernier, de l’ordre de 3,5 t/ha, la récolte devrait atteindre 4,2 millions de tonnes. Un bond spectaculaire d’un million de tonnes par rapport aux deux dernières récoltes.
Par ailleurs, les cours des graines de colza restent très élevés, à 1 014 €/t sur le marché physique FOB Moselle le 19 avril pour la récolte 2021 et déjà à 880 € la tonne pour la récolte à venir de 2022. Le rendu Rouen affiche un cours légèrement inférieur à 1 007 €/t pour la récolte de 2021. Sur les marchés à terme d’Euronext, l’échéance de mai 2022, dernière de la campagne, est à 1 004 €/t, et les échéances suivantes pour la récolte 2022 commencent aussi un rallye vers les 1 000 €, affichant plus de 800 € pour les contrats allant jusqu’à mai 2023. À ce niveau de prix, la récolte 2022 serait valorisée à plus de 4 milliards d’euros, du jamais vu.
C’est vrai aussi pour le tournesol, qui subit une véritable pénurie. La Fédération des oléoprotéagineux (FOP) a lancé un appel aux producteurs pour augmenter la surface consacrée à la précieuse plante à huile, vantant des besoins faibles en eau et en engrais. L’an dernier, la sole avait atteint 700 000 ha. Comme pour le colza, le cours atteint 1 000 €/t et même si le rendement est moins élevé, la valorisation de la culture pourrait à la fois atteindre des sommets et surtout répondre à des besoins industriels et d’alimentation dans les rayons.
Ces tendances sont dues à la guerre en Ukraine et à un ralentissement de l’économie et de l’agriculture. Les stocks de graines de colza et de tournesol ne s’écoulent qu’au compte-gouttes par train, via la Roumanie et la Bulgarie, les ports ukrainiens de Marioupol et d’Odessa étant sous le feu de l’armée russe. Les outils de transformation sont aussi à l’arrêt, d’où les ruptures sur l’huile de tournesol dont l’Ukraine est l’un des principaux exportateurs. Et si les céréaliers ukrainiens restent mobilisés pour produire, on estime que la récolte à venir n’atteindra pas 40 % du volume habituel, sans certitude que la logistique suive ou que les lieux de stockage ne soient pas touchés par des missiles.