« Femmes en agriculture : des avancées mais encore des défis à relever ». C’est à l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, le 8 mars, qu’une table ronde organisée par l’association française des journalistes agricoles (Afja) s’est tenue à l’Académie d’Agriculture. Les différentes intervenantes – éleveuses, sociologue, membres de l’Académie et du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation – ont chacune pu faire part de leurs expériences dans ce milieu resté longtemps exclusif aux hommes. Clémentine Comer, sociologue a présenté des résultats d’une thèse réalisée sur les femmes en agriculture, durant 6 ans, auprès de femmes insérées dans des OPA (organisation professionnelle agricole), en Bretagne, où elle évoque une « féminisation tendancielle, mais discontinue ». En s’appuyant sur une analyse des mandats électifs dans des coopératives ou chambres d’agriculture mais aussi en politique, elle constate qu’ils sont plus courts chez les femmes, souvent par « épuisement militant » qui justifie leur non-renouvellement, remarque la sociologue.
Le poids de la maternité, a également freiné des débuts de carrière chez les agricultrices. Véronique Marchesseau, éleveuse et secrétaire générale de la Confédération paysanne, le reconnaît : « lorsqu’on veut obtenir l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs (DJA), les conditions sont les mêmes pour un homme qu’une femme, sans prendre en compte le congé maternité », ce qui peut pénaliser les femmes qui doivent respecter les engagements pris dans le plan d’entreprise, établi sur quatre ans.
Statuts des femmes
À force de mobilisation, les choses ont évolué. Françoise Liebert, haute fonctionnaire en charge de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes au ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, souligne les changements de statuts et la reconnaissance de leurs droits depuis 1980.
Le statut du conjoint collaborateur, créé en 1999 est désormais limité à 5 ans depuis 2021. Après ces cinq années, le statut peut se transformer en salarié, ou chef d’exploitation. « Pour les retraites, les choses ont été assez lentes », reconnaît la haute fonctionnaire : une revalorisation générale des pensions pour les chefs d’exploitations, à 85 % du Smic, mise en place en 2020, fut appliquée en 2021 pour les conjoints collaborateurs et aides familiaux.
« En agriculture, l’allocation de remplacement pour maternité ne date que de 1977 », regrette Françoise Liebert. Cette allocation est désormais prise en charge en totalité, avec un versement d’indemnité journalière en cas d’incapacité de remplacement.
Mais la reconnaissance ne se fera pas uniquement par l’entraide et les voix féminines : les intervenantes souhaitent que les hommes prennent part au débat. Christophe Leschiera, responsable de la communication de l’association Trame, ajoute : « c’est un courant qui doit continuer pour que demain, il y ait plus d’agricultrices installées, mais aussi dans d’autres métiers, tout le monde doit trouver sa place ».
Selon une l’étude du Crédit agricole* réalisée à l’occasion du dernier Salon de l’agriculture, les agricultrices sont passionnées par leur métier. 92 % d’entre elles déclarent être heureuses de l’exercer. Selon le dernier recensement agricole de 2020, les femmes en agriculture représentent 26,2 % des chefs d’exploitation, co-exploitants et associés actifs.
Chaque année, elles comptent pour 27 à 31 % des installations agricoles. En moyenne, elles s’installent plus tardivement que les hommes, souvent après une formation initiale ou des expériences professionnelles non agricoles.
(*) Sondage BVA pour le Crédit agricole, 24 janvier-8 février 2022.