C’est un projet qui semble un peu fou. Construire de toutes pièces une énorme sucrerie de betteraves en aval du port de Rouen (Seine-Maritime) sur une friche de 75 hectares autrefois occupée par Renault. Ce serait une première, quand on sait que cela fait près d’un demi-siècle que l’on n’a pas construit de sucrerie en France. Et c’est pourtant ce qu’a annoncé, le 17 mars Haropa Port en retenant le projet de sucrerie de betteraves d’Al Khaleej Sugar Co LLC (AKS), une entreprise de Dubaï (Emirats arabes unis) très présente dans le raffinage de sucre de canne, et qui vient de construire une des plus grandes sucreries de betteraves du monde en Egypte.
Si le projet va à son terme, il s’agira de la plus grande sucrerie d’Europe. La production de la future usine sera comprise entre 650 000 et 850 000 tonnes annuelles. Ce qui représente entre 7 % et 9 % des importations cumulées des zones géographiques visées par AKS ; savoir le Maghreb, l’Italie, l’Espagne et le Royaume Uni. L’investissement prévu est évalué à plusieurs centaines de millions d’euros.
La capacité de production annoncée représente l’équivalent de trois ou quatre sucreries moyennes, telles que celle de Cagny (200 000 tonnes, Calvados) qui a fermé en 2019. Et la sucrerie devrait être approvisionnée par environ 4,5 millions de tonnes de betteraves par an, représentant quelque 50 000 hectares de betteraves provenant pour les deux tiers du département du Calvados et, pour le tiers restant, d’autres régions de Normandie et des Hauts-de-France.
Sucre export
« Le sucre produit sera entièrement destiné à l’export vers l’Afrique du nord et le sud de l’Europe et ne viendra pas en concurrence de la filière sucrière existante », a précisé Pascal Gabet, directeur général délégué Haropa Port et directeur territorial du port de Rouen. Pour Haropa Port (grand port fluvio-maritime de l’axe Seine avec Le Havre, Rouen et Paris), cette implantation devrait se traduire par un flux de 30 000 à 37 000 EVP (conteneur de 20 pieds) à l’export.
Le process industriel intègre la construction d’une chaudière à biomasse, alimentée avec des déchets de bois permettant de produire 30 MW/h d’électricité. « Les sous-produits issus du process sucrier seront également revalorisés grâce à l’installation d’un biométhaniser qui produira du biogaz à partir des coupes et queues de betteraves. De la pulpe séchée de betterave sera produite, ainsi que de la mélasse qui permet de produire du bioéthanol », détaille le communiqué de presse.
Cet énorme projet ne fait que débuter et il sera sans doute semé d’embûches. Les planteurs seront-ils enclins à souscrire des contrats ? Quel prix proposera AKS pour du sucre destiné à l’exportation ? Ce n’est pas la première fois que l’on annonce la construction d’une nouvelle sucrerie de betteraves en Europe… Mais les promoteurs ont ensuite jeté l’éponge.