Le désherbage des adventices dicotylédones
Chaque année, l’ITB réalise une enquête désherbage sur la zone betteravière. Plus de 5 000 parcelles y sont notées. En 2021, les chénopodes ont été les moins bien maîtrisés, suivis des chardons, des graminées et des ombellifères.
Les facteurs de réussite d’un bon désherbage contre les adventices dicotylédones sont nombreux mais les principaux sont le choix des produits, les doses d’utilisation, les dates d’intervention et les conditions climatiques. Ces différents paramètres permettent un désherbage de qualité.
Le désherbage en post-émergence démarre deux à trois semaines après le semis sur des adventices au stade cotylédons et se termine à 70 % de couverture des betteraves. En premier lieu, la lutte contre les adventices nécessite une bonne connaissance de la flore de la parcelle. Elle détermine déjà le recours éventuel à un herbicide de pré-émergence, particulièrement conseillé si une forte présence d’ombellifères est attendue.
Dans ce cas, le produit à base de quinmérac et de métamitrone (Kezuro) de 1,6 à 3,5 l/ha en pré-émergence a pour rôle de diminuer les levées d’ombellifères dans la culture. En post-émergence, la lutte continue avec des produits à base de triflusulfuron-méthyl (Safari). D’une manière générale, l’observation des parcelles permet de choisir les produits les plus adaptés à la flore présente (voir tableau 1).
Lorsque le choix des produits est effectué, les doses doivent être adaptées en fonction du stade des adventices et des conditions climatiques.
Pour les produits racinaires, la meilleure efficacité est obtenue si l’application se fait sur un sol humide ou si elle est suivie de précipitations. Il est également nécessaire d’ajouter au mélange herbicide 0,5 à 1 l/ha d’huile afin de d’optimiser l’efficacité. Si les adventices sont plus développées ou en cas de conditions climatiques sèches, il sera nécessaire d’augmenter les doses des produits de contact à base de phenmédiphame et d’éthofumésate et de porter la dose d’huile à 1 l/ha.
Le désherbage des graminées
La lutte agronomique
Elle est également utile pour le désherbage des adventices dicotylédones. Son objectif est de mettre en œuvre des pratiques non chimiques pour réduire au maximum le stock semencier. Plusieurs stratégies sont possibles et peuvent combiner différents leviers.
Diversifier la rotation des cultures diminue le risque de dominance d’une seule espèce d’adventice. La technique du faux semis permet de limiter les levées d’adventices en cas de parcelles très problématiques. Mais cette technique oblige à retarder le semis, avec un impact potentiel sur le rendement et un risque de mauvaises levées de la culture si des conditions sèches s’installent sur un sol très affiné.
Le labour a pour avantage d’enfouir en profondeur les graines et d’éliminer les repousses et les jeunes adventices. Les graines en profondeur perdent leur viabilité au cours du temps (ray-grass ou vulpin par exemple). En revanche, le labour remonte une fraction du stock de graines et favorise le « réveil » d’un certain nombre d’espèces. Un bon compromis est de labourer, une fois tous les trois ou quatre ans. En revanche, le labour n’a pas d’action efficace sur les dicotylédones.
Ces techniques sont indispensables pour une gestion durable des graminées mais ne sont pas toujours suffisantes et doivent être alors complétées par des actions chimiques dans la culture.
Diversifier les modes d’action
Dans les enquêtes ITB sur la qualité du désherbage, les graminées arrivent régulièrement en troisième position des adventices difficilement maîtrisées. L’ITB constate également de réels problèmes d’efficacité des graminicides actuels dans de nombreuses parcelles, avec des résistances et des pressions montantes de vulpins ou de ray-grass. Une adventice étant rarement résistante à plusieurs modes d’action, il est recommandé d’en utiliser plusieurs sur la culture, ce qui permet également de limiter le développement de résistances.
Pour ce faire, les produits Avadex480 à base de triallate (en incorporation avant semis à la dose de 3l/ha) ou le produit Mercantor Gold à base de S-métolachlore, en post-semis pré-levée (à la dose de 0,6 l/ha – voir l’évolution de la réglementation en colonne de droite) sont à utiliser. Ces deux produits permettent de réduire l’infestation mais ne permettent pas de contrôler les levées échelonnées d’adventices. Ils doivent donc être relayés par un antigraminée foliaire de la famille des « Dime » (cléthodime), avec une dose d’huile de 1 à 2 l/ha (Actirob B) afin d’obtenir une meilleure efficacité. Attention, le Mercantor Gold est déconseillé dans les sols filtrants, en raison du risque de phytotoxicité.
L’autre possibilité est de diversifier les modes d’action en post-levée des betteraves. Le mélange antigraminée foliaire avec Isard ou Mercantor Gold est efficace. Toutefois, dans les sols filtrants, la dose d’Isard ou de Mercantor Gold ne doit pas dépasser 0,4 l/ha.
L’essai réalisé en Normandie en 2021 (figure 1) confirme une meilleure efficacité des traitements avec plusieurs modes d’action. Malgré tout, sur cet essai, l’efficacité finale n’est pas satisfaisante car la pression de ray-grass était trop importante (près de 200 ray-grass/m2) et les conditions de 2021 n’ont pas permis de combiner le bon stade d’intervention des ray-grass et des bonnes conditions climatiques. Afin de diminuer cette pression, l’ITB recommande de suivre les conseils détaillés ci-contre dans le paragraphe « lutte agronomique ».
Traiter au bon moment
L’efficacité des herbicides foliaires systémiques est très dépendante des conditions climatiques lors de l’application. Ces produits nécessitent des conditions « poussantes » pour être efficaces. Le graphique ci-contre (figure 2) présente les différences d’efficacité entre deux dates de traitement sur ray-grass en 2019, en Normandie.
Malgré un stade plus avancé des ray-grass, l’application du 17 mai réalisée avec des températures plus élevées (température minimale 7,3 °C contre 4,8 °C pour le traitement du 30 avril) présente une meilleure efficacité. De plus, les levées échelonnées des ray-grass ont pénalisé l’application précoce. Avec les antigraminées foliaires, les températures minimales ne doivent pas descendre en dessous de 7 à 8 °C.
Il ne faut pas rater son intervention. Un rattrapage n’aura pas la même performance, car le premier traitement va sélectionner les plantes les plus résistantes. Une intervention avec une faible efficacité aura des conséquences pour les cultures suivantes.
- Choisir les matières actives adaptées aux adventices de la parcelle.
- Intervenir sur des adventices jeunes, points verts à cotylédons étalés, pour pouvoir appliquer des doses réduites. Si les adventices sont plus développées, augmenter les doses des produits.
- Utiliser un volume d’eau de 80 à 150 l/ha pour garantir l’efficacité. Le recours à des volumes inférieurs est possible à condition d’optimiser les conditions d’application.
- Utiliser des buses classiques à fente ou des buses à pastille de calibrage.
- Réaliser les traitements en bonnes conditions d’hygrométrie (au moins 70 %), et avec un vent inférieur à 19 km/h (règle de force 3 Beaufort obligatoire).
- Ajouter entre 0,5 et 1 l/ha d’huile au mélange herbicide.
- Pratiquer un désherbage mécanique si les conditions sont favorables. Le désherbage mécanique sera détaillé dans les pages techniques du Betteravier français n°1145.
La dérogation permettant de traiter les semences de betterave avec des produits à base de néonicotinoïdes a été accordée le 1er février dernier par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Le Plan de Prévention qui accompagne cette dérogation prévoit que l’utilisation de semences traitées avec des néonicotinoïdes implique de maîtriser les adventices et d’empêcher leur floraison.
Les Autorisations de Mise sur le Marché (AMM) des produits à base de S-métolachlore ont évolué pour 2022 :
- Pour protéger les eaux de surface, ne pas appliquer ce produit sur parcelle drainée en période d’écoulement des drains (s’applique à toutes les cultures, y compris la betterave).
- Pour protéger les organismes aquatiques, respecter une zone non traitée de 20 mètres par rapport aux points d’eau comportant un dispositif végétalisé permanent non traité d’une largeur de 5 mètres, pour les grandes cultures (maïs, sorgho, tournesol, soja et betterave).
De plus, même si la betterave n’est pas concernée par ce point car la dose maximale qui y est homologuée est inférieure, il est rappelé que, pour protéger les eaux souterraines et les eaux de surface, un produit à base de S-métolachlore ne doit pas être appliqué à une dose supérieure à 1000 g de substance active par hectare et par an.
D’autre part, les recommandations antérieures restent maintenues :
- Utiliser des buses à injection d’air homologuées à réduction de dérive.
- Pour protéger les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) : ne pas appliquer de S-métolachlore sur les Aires d’Alimentation de Captage (AAC) prioritaires et les zones sensibles.