En lançant son offensive guerrière sur le peuple ukrainien sous prétexte de protéger la Russie des pays membres de l’Otan, Vladimir Poutine n’a sans doute pas oublié qu’il mettait aussi la main sur une bonne partie du grenier européen, la zone de la mer Noire comptant pour un tiers de la production de céréales et d’oléagineux. Il s’empare aussi de tous les ports de chargement de l’Ukraine, Sébastopol en 2014, Marioupol et bientôt Odessa, devenant le maître de l’abondance ou de la famine, selon ses besoins géopolitiques.
La situation a littéralement fait bondir les cours du colza et du tournesol, qui étaient déjà à des niveaux très élevés depuis le début de la campagne. Le 8 février, la tonne de colza affiche 849 € sur les marchés physiques FOB Moselle, 868 € pour le rendu Rouen, soit 100 €/t de plus qu’il y a deux semaines. Ce sont les plus hauts de l’année. Les marchés à terme suivent la tendance. L’échéance de mai 2022, pour la récolte 2021, atteint 908 €/t le 10 mars, et les quatre échéances trimestrielles sur Euronext pour la récolte 2022, jusqu’en mai 2023, passent déjà la barre des 700 €/t. Quant à la graine de tournesol, son prix n’a jamais été aussi élevé : 850 €/t. Elle était à 600 €/t avant la guerre russo-ukrainienne. Les deux pays cumulent 80 % des huiles de tournesol vendues dans le monde et leurs exportations sont à l’arrêt.
Tous les facteurs orientant les cours à la hausse sont présents pour des prix élevés, et pour très longtemps. Outre les marchés à terme qui en sont les premiers indicateurs, le pétrole dépasse les 120 $ (brent), entraînant dans son sillage les biocarburants, le prix du fret maritime, les tourteaux et les huiles. L’huile de colza a ainsi atteint 2200 $/t sur le marché à Rotterdam, soit une hausse de 450 €/t en une semaine. Les huiles de tournesol, de soja et de palme suivent la tendance. Pour les prochains semis, cet automne, des inquiétudes sont vives quant aux prix et aux disponibilités des engrais, dont la Russie détient la moitié des capacités mondiales. La production européenne de 2023 pourrait en être affectée.
La guerre en Ukraine a beaucoup moins d’impact sur le soja. À Chicago, la tonne de soja s’affiche à 610 $, avec une volatilité relativement faible depuis des mois. Les exportations américaines à destination de la Chine restent très dynamiques, mais sans provoquer de hausse de cours. La production brésilienne serait limitée à 120 Mt, mais une différence notable de dix millions de tonnes oppose pour l’instant les experts américains et brésiliens. En Argentine, la production est attendue à 45 Mt. La sécheresse touche surtout le Paraguay, mais ni les chiffres de production, ni les conditions climatiques, ne font varier sensiblement les cours mondiaux du soja.