Alors que les Français ont redécouvert, il y a tout juste deux ans, la notion de pénurie alimentaire lors du premier confinement lié à la crise Covid, on peut déplorer qu’ils aient la mémoire courte car le sujet de l’agriculture et l’alimentation ne fait pas du tout partie des thématiques de cette campagne électorale à la présidentielle 2022.
Que contiennent les programmes politiques des candidats autour de l’agriculture et de l’alimentation ? C’est ce qu’a voulu mettre en évidence le groupe Réussir Agra dans le cadre des Controverses de l’Agriculture et de l’Alimentation le 15 février dernier, en invitant neuf candidats ou leur représentant. Cet évènement était organisé en partenariat avec le Salon de l’Agriculture, le Cevipof (centre de recherche politique de Sciences Po) et le SNPAR, syndicat national de la presse agricole et rurale.
Restaurer une souveraineté alimentaire
L’épisode Covid a tout de même influencé les candidats car il est beaucoup question de « souveraineté alimentaire ». Sur les neufs programmes analysés, plusieurs parlent d’augmenter la part des produits locaux dans la restauration collective, sorte de prolongement de la loi Egalim. C’est Marine Le Pen (RN) qui va le plus loin en proposant 80 % de produits alimentaires français dans les cantines.
Cet objectif est parfois associé à une politique d’aide alimentaire. L’idée du chèque alimentaire fait son chemin, y compris Emmanuel Macron (LREM). Fabien Roussel (PCF) propose un Fonds alimentaire national de 10 Mrds€ pour généraliser le repas à 1€ dans les cantines scolaires. Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise) propose quant à lui une « Sécurité sociale de l’alimentation » : un chèque de 100 à 150 euros par mois et par foyer les plus modestes à dépenser dans des circuits de distribution labellisés pour développer les filières locales.
Quel modèle pour la Ferme France
Mais il est un point où les programmes politiques divergent très fortement, c’est celui du modèle pour la Ferme France. Yannick Jadot veut aller vers la fin des pesticides à échéance 2035 et la fin des élevages en cage. Jean-Luc Mélenchon parle d’une « agriculture paysanne et écologique » et une sortie de l’élevage industriel. Anne-Hidalgo parle quant à elle de 30% de SAU en bio à l’horizon 2030 et les tiers restants engagés dans des processus agroécologiques.
Le marqueur des pesticides
Si la majorité des autres candidats reconnaissent la nécessité de réduire l’usage des pesticides, leur volonté affichée est de ne pas le faire tant qu’il n’existe pas de solutions alternatives. Nombreux sont ceux qui veulent même mettre fin à la surtransposition des normes, afin d’éviter que ne rentrent sur le territoire national des produits agricoles n’ayant pas les mêmes exigences environnementales ou de bien-être animal que celles imposées en France. Un discours souvent entendu, jamais mis en œuvre jusqu’alors.
Pour transformer l’agriculture, LREM et LR veulent quant à eux s’appuyer sur les nouvelles technologies, y compris les NBT dans le domaine de la génétique. Quant à Eric Zemmour, il soutient la robotique, mais c’est pour pouvoir se passer de la main-d’œuvre étrangère !
Autre objectif annoncé : assurer un revenu décent aux agriculteurs. Valérie Pécresse (Les Républicains) en fait le point de départ de son programme politique. Pour certains, cela passe par une meilleure répartition de la valeur, c’est le cas d’Emmanuel Macron (LREM) qui souhaite poursuivre la loi Egalim, tout comme Anne Hidalgo (PS) : renforcement des organisations de producteurs, contrats tripartites et pluriannuels. Pour Marine Le Pen, il s’agit de « mettre un terme aux marges abusives de la grande distribution » et Eric Zemmour veut quant à lui mettre fin aux regroupements de la grande distribution.
N. O.
L’extrême gauche et l’extrême droite se rejoignent pour que l’Etat soit plus interventionniste sur les prix des productions agricoles. Fabien Roussel propose la fixation de prix de référence des productions agricoles, Jean-Luc Mélenchon parle de prix planchers. Et Nicolas Dupont Aignan (Debout la France) souhaite remettre en place des quotas, en particulier pour le lait, et des prix garantis. Elles se rejoignent aussi pour stopper toute signature d’accord de libre-échange qui aurait des conséquences négatives sur l’agriculture.
N. O.