Dans le bourg d’Amifontaine, moins de 400 habitants dans l’Aisne, Agronomic et sa trentaine de salariés résistent toujours aux majors de la construction de machines pour la pomme de terre. L’irréductible entreprise fondée en 1989 fabrique dix planteuses par an, surtout à godets – 60 % de la production – et le reste à courroies configurées en quatre rangs pour la plupart. Elle en sortait une quarantaine de ses ateliers il y a quinze ans. La planteuse d’alors était surtout une quatre-rangs à 90 cm. Aujourd’hui, les temps ont changé et les pratiques culturales aussi. Le sur-mesure a pris le dessus. « C’est compliqué face aux autres, les grands du secteur avec des dizaines d’ingénieurs qui inventent des systèmes toute la journée dans leurs bureaux d’études. Nous devons être le dernier fabricant français de planteuses », confesse Tim Vermersch, au service commercial de la société. Mais qui dit rareté et discrétion ne dit pas absence de qualité. La planteuse à godets du constructeur picard reste appréciée pour sa simplicité et sa robustesse. Rien ou presque n’a changé sur la machine. Les options les plus demandées demeurent la cape de buttage hydraulique avec l’automatisme de hauteur des buttes, les roues anti-ravine, le traitement liquide et l’azote localisé. Du côté des planteuses à courroies, la coupure de rang manuelle ou d’après une géolocalisation et la commande indépendante de chaque ligne sont les points forts de la machine pour un travail de précision. Elles profitent d’un boîtier de régulation de la plantation fabriqué par FD Intégrateur, une société de Cambrai (Nord) spécialisée dans l’électronique embarquée. Commandée, au besoin, par un joystick pour ses fonctions hydrauliques et dotée de la coupure de rang, « la planteuse peut arriver à la modulation de dose grâce à la gestion indépendante des rangs, même si la technique n’est pas encore entrée dans les mœurs », complète Tim Vermersch. Mais il ne faut pas désespérer.
Le broyeur et la Maousse
Si le marché des planteuses reste calme, celui des broyeurs tourne autour d’une vingtaine d’unités par an. Petit motif de fierté, Agronomic affirme être un des seuls fabricants à disposer d’une double transmission à 1 550 tours / min., parmi les plus rapides de la place. Très en jambe dans cette catégorie d’outil, le constructeur développe en ce moment une machine qui devrait offrir plus de débit de chantier à 15 km/h au lieu des 8 ou 10 km/h actuels. Des essais que l’entreprise espère concluants sont prévus en juillet prochain. Pour le reste, le montage du broyeur s’effectue derrière la roue de rappui de la butte, afin d’éviter le verdissement des pommes de terres dû aux fissurations sur le profil des buttes. « Nous sommes aussi les seuls avec des roues orientables, ce qui provoque un effet de ripage et referme les crevasses », explique Tim Vermersh. En parallèle, le constructeur rencontre moins de succès avec sa fraise à quatre rangs Maousse la bien nommée, sans doute victime de son poids. Elle affiche 2 100 kg sur la balance pour des buttes de 90 cm ; 1 900 kg pour celles de 75 cm. Trop gros, trop lourd, pas facile à développer, concède-t-on chez Agronomic. La machine peut recevoir devant des dents de décompactage et elle accueille sur ses côtés un double entraînement pignon-chaîne qui réclame moins d’entretien et bénéficie d’un service après-vente moins coûteux. Le marché répond aussi que la tendance s’établit désormais à une combinaison fraise-planteuse portée. Va-t-on du même coup assister à la disparition des butteuses ? Agronomic prépare la sortie dans deux ans d’une machine qui binerait les buttes. Affaire à suivre. D’ici là, l’entreprise importe la station de triage et de calibrage du constructeur néerlandais Schouten. Le marché se situe pour le moment autour d’un équipement standard de trieur à grille au niveau d’investissement bien moins élevé qu’une installation de triage et de calibrage optiques valant trois fois plus. Mais ce n’est qu’une étape. De gros faiseurs sont déjà passés à l’optique pour le conditionnement des pommes de terre. Le mouvement est enclenché.
Dirigeant d’une entreprise de travaux agricoles à la ferme du Billon, à Montaigu (Aisne), Laurent Immery ne regrette pas d’avoir choisi une planteuse à godets quatre-rangs à 90 cm et un broyeur, tous deux de fabrication Agronomic. « C’est du matériel fiable. Si j’ai un problème, je sais qu’ils sont très réactifs ». L’entrepreneur plante autour d’une centaine d’hectares de pommes de terre chaque année et assure le broyage d’environ 60 ha de fanes. Il opère, précise-t-il, en chantier décomposé. « Je commence par un pré-buttage avec un décompacteur et une fraise Baselier sur 3,60 m. Puis je passe avec la planteuse portée par un tracteur à roues étroites à l’endroit du pré-buttage. La planteuse casse la butte et implante les pommes de terre avec en dernière ligne, des disques et une tôle qui reforment la butte telle qu’elle était auparavant. » Le pré-buttage se déroule généralement fin mars et le broyage en août, trois à quatre semaines avant la récolte. Laurent Immery intervient dans des exploitations situées dans un rayon de 30 km autour de sa ferme. Toutes produisent des pommes de terre de consommation pour l’industrie agro-alimentaire.