Depuis que Samuel Proffit s’est installé à Mareuil-sur-Ourcq en reprenant l’exploitation de son père en 2015, la culture de soja s’est étendue aux dépens de la production de féveroles, abandonnée il y a huit ans, et de celle de betteraves sucrières, qui ne cesse de décevoir. Samuel n’en cultivera plus que 11,5 hectares la saison prochaine. L’automne dernier, la marge par hectare était la plus faible de toutes les cultures, soit 300 €/ha.
Dès 2015, l’année de lancement de la culture de soja, les résultats des premiers hectares cultivés par Samuel avaient été très prometteurs. Le rendement moyen par hectare avait été de 22 quintaux.
Membre d’un Groupement de développement agricole (GDA) animé par la chambre d’agriculture de l’Oise, l’agriculteur et ses collègues sélectionnaient cette année-là les variétés de soja précoces triple zéro, les plus adaptées aux conditions pédoclimatiques de leur exploitation. Leurs besoins en somme de températures et d’heures d’ensoleillement sont équivalents à ceux des variétés de maïs les plus précoces.
Dans les Hauts-de-France, le plan de développement rural cofinancé par le Feader accompagne l’essor de la production de soja. Cette année, Samuel prévoit d’en cultiver 14 hectares.
À la fin de l’été dernier, il a récolté 23 quintaux de graines par hectare et la marge dégagée (800 €/ha) était la plus élevée de toutes ses cultures.
Selon Samuel, la production soja des Hauts-de-France est orpheline d’une filière de transformation. Bien que certifiée sans OGM, la production française est vendue à la coopérative au cours mondial du soja américain, génétiquement modifié.
Aussi, la valeur ajoutée de la filière française est captée par des sociétés belges qui fabriquent des aliments pour animaux estampillés « sans OGM », à partir de graines importées de France, qu’ils exportent ensuite.
Un assolement opportun
Lors de son implantation, la culture de soja ne représente pas de risque financier important. Elle n’exige même aucun matériel spécifique, car Samuel sème ses parcelles à l’aide d’un semoir à céréales. Et il utilise ses propres semences (45 € pour 150 kg/ha).
Par ailleurs, la culture permet de stocker chaque année 60 unités d’azote disponibles pour la production suivante. Aussi, lorsque le blé est cultivé après un soja, Samuel n’épand plus que 120 unités d’azote par hectare et non plus 180 unités. A contrario, la production de betteraves ne cesse de décevoir l’agriculteur depuis sept ans. En 2015, il tablait sur un prix de la tonne de betteraves sucrières à 28 €/t lors de son installation, ce qui n’a pas été le cas.
Dans l’exploitation, la culture de soja est devenue une tête de rotation dès qu’elle a été implantée. Elle se substitue à celle de la betterave, dorénavant cultivée sur 11,5 ha seulement (contre 35 ha en 2015). Mais sa production sera maintenue, car la pulpe alimente un méthaniseur dont il est partie prenante.
En tête d’une rotation triennale ou d’une rotation quinquennale sur les parcelles où il est cultivé, le soja est précédé par une culture de blé ou d’escourgeon. Puis, lui succède une nouvelle céréale à paille. Sur les parcelles en rotation quinquennale, la rotation des cultures est la suivante : blé ou escourgeon, soja, blé ou escourgeon, betteraves puis une céréale à paille. Pouvant être cultivé en N+1 après une betterave traitée aux néonicotinoïdes, le soja s’insère bien dans la rotation.
Un risque financier limité
L’automne et l’hiver qui précèdent l’implantation du soja, les parcelles sont implantées d’une Culture intermédiaire à valorisation énergétique (Cive), vendue à des voisins en échange du digestat récupéré – ou d’une Cipan: avoine, phacétie, moutarde d’Abyssinie.
Après un passage de chisel au mois d’octobre, la parcelle est laissée en l’état jusqu’au début du printemps. Elle est alors désherbée chimiquement et semée après un passage de vibroculteur.
Une fois le soja récolté, le blé est semé après un passage de chisel. Mais un semis direct est tout à fait envisageable car les parcelles moissonnées sont propres et le système racinaire de la plante ne permet pas un travail profond du sol.
Cette campagne 2021-2022, la conjoncture de prix très favorable va permettre à Samuel de reconstituer le fonds de roulement de son exploitation après plusieurs campagnes difficiles : récoltes catastrophiques en 2016, faibles prix, canicule en 2020, gel printanier en 2021. Cependant, l’agriculteur a surmonté financièrement ses difficultés en puisant sur ses fonds personnels. La bonne campagne de prix 2021-2022 ne suffira pas à redresser les comptes.
La réforme de la PAC en 2023 ? Samuel l’aborde sereinement. Il sait qu’il est déjà éligible aux aides éco-régimes au niveau supérieur. Son assolement est très diversifié. Et l’agriculteur ne produit du blé qu’à 11 % de protéines pour limiter ses apports azotés. Selon lui, viser un taux de 11,5 % impliquerait l’apport de 30 unités de plus par hectare sans avoir l’assurance d’en tirer un meilleur prix, surtout lors de cette campagne.
Mais, année après année, le montant des aides PAC ramené à l’hectare ne cesse de baisser. Samuel touchait 220 €/ha en 2015. En 2021, il ne percevait plus que 175 €/ha. Et vingt ans plus tôt, son père percevait jusqu’à 320 € d’aides par hectare !
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