Les chiffres de la dernière saison sont les plus bas jamais enregistrés : 80 accidents de chasse, sept morts dont un non-chasseur. Il faut les replacer dans leur contexte. Plus d’un million de chasseurs, ce n’est pas rien ! Et, par définition, une arme à feu est dangereuse. 80 accidents pour 1 100 000 chasseurs, c’est un accident pour 13 750 chasseurs, moins que pour les sports de montagne ou l’équitation (4 % des accidents de sport, soit 6 000 personnes par an et 7 décès annuels en moyenne). D’ailleurs, les compagnies d’assurance ne s’y trompent pas et la police annuelle est plutôt bon marché. Il y a des accidents incompréhensibles comme cette balle qui ricoche plusieurs fois avant d’aller frapper un automobiliste. C’est le hasard, le méchant destin, comme un conducteur de voiture foudroyé par un infarctus et dont la voiture percuterait un passant. Mais il y a aussi des accidents évitables, ceux que Willy Schraen considère comme « plus proches de l’homicide ». C’est le fusil ou la carabine non déchargé que l’on met dans la voiture, le tir sur une silhouette non identifiée, l’arme qui n’est pas neutralisée en franchissant un talus ou un barbelé, l’arme chargée que l’on passe à un copain à bout de bras. Soyons lucides : tout chasseur a, au cours de sa carrière, commis une ou deux fautes, comme tirer un gibier trop bas, ouvrir le feu dans un angle trop ouvert ou, franchir une clôture fusil ouvert mais non déchargé.
Sécurité automatique
Chassant un jour au Sénégal, je ferme mon fusil, heureusement en respectant la règle, c’est-à-dire en levant la crosse pour garder les canons abaissés : le coup part, soulevant la terre à quelques centimètres du pied d’un pisteur. Depuis, j’ai fait poser sur mon fusil une sécurité automatique, celle qui équipe tous les fusils anglais. Certains ronchonnent : avant de tirer, il faut l’ôter. On s’y fait. Personne n’est à l’abri de l’accident. L’académicien Michel Droit tua, en février 1989, son compagnon de chasse, Jacques Chilbret, au Cameroun. Michel Droit trébuche, une branche accroche la détente, le coup part, sectionnant l’artère fémorale de son ami. La carabine n’était pas « sécurisée », c’est-à-dire que la culasse était fermée, sans cran de sécurité. Une faute. La présence d’un lion dans les parages l’aurait expliquée. Dans le feu de la passion, il arrive d’oublier les fondamentaux. Je me souviens, sur les pentes verglacées d’un col de la forêt d’Iraty, avoir vu une charge de plombs souffler un paquet de neige à un mètre de ma jambe : un chasseur qui me suivait, fusil fermé, avait dérapé et son doigt avait accroché la détente. Ce sont des incidents rares, un ou deux dans une vie de chasseur. Mais qui restent gravés à vie. Le risque zéro n’existera jamais. Mais, en martelant les consignes de sécurité, on peut progresser.
Respecter les pancartes
Pour Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) : « un accident, quelle que soit sa gravité, est toujours un accident de trop. Beaucoup peuvent être évités en respectant à la lettre les consignes de sécurité du côté des chasseurs, mais aussi des autres utilisateurs de la nature. La sécurité à la chasse est de notre responsabilité individuelle mais elle est aussi collective. Nous en sommes tous les garants ».
L’arrêté du 5 octobre 2020 renforce encore l’identification des chasseurs en tenue orange et la signalisation des actions de chasse par des panneaux. À la demande de la fédération, cet arrêté rend aussi obligatoire la remise à niveau de chaque chasseur, tous les dix ans, sur les questions de sécurité.
La saison de chasse 2020-2021 s’est déroulée dans un contexte particulier de crise sanitaire et de confinements. La chasse au grand gibier a bénéficié de dérogations. C’est celle qui entraîne le plus de décès. Les balles de chasse ne sont pas des balles de guerre qui traversent seulement. Elles se fragmentent à l’impact, multipliant les dégâts. Dans la grande majorité des cas, ces atteintes sont mortelles pour l’homme, alors que beaucoup d’accidentés en réchappent après avoir reçu des plombs. Il faut que la charge d’une cartouche soit tirée à bout portant ou très près pour représenter un risque létal. Le risque le plus grave est de perdre un œil. C’est la raison pour laquelle, en battue notamment, on remarque des lunettes de protection. Un seul plomb égaré suffit en effet à détruire l’organe. En ne tirant jamais « à hauteur d’homme », on évite ce type d’accident.
Si les chasseurs doivent multiplier les précautions, les promeneurs, les randonneurs et les vététistes doivent aussi respecter les règles. S’ils rencontrent en chemin une pancarte : « chasse en cours, danger, tir à balles ! » ils ne doivent pas passer outre. D’une part, ils évoluent sur un domaine privé ou un territoire amodié dans une forêt domaniale ; d’autre part, cette pancarte n’a pas été placée pour les provoquer, mais pour garantir leur sécurité.