Le Conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux néonicotinoïdes a émis un avis favorable sur l’usage dérogatoire des semences de betteraves traitées avec des néonicotinoïdes pour les semis 2022. Y a-t-il eu des débats entre les différents membres ?
Les débats ont été plus apaisés que l’année dernière. Le Conseil de surveillance est composé de plusieurs parlementaires issus des deux assemblées, de représentants des ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique, de la filière betteravière, de la recherche et d’associations œuvrant dans le domaine de la protection des pollinisateurs et de l’environnement. Certains participants ont souhaité limiter géographiquement la dérogation en introduisant une régionalisation. Mais les études menées par l’Inrae et l’ITB ont montré que ce n’est pas possible : si l’on regarde les données des 30 dernières années en termes de jaunisse, il n’y a aucun territoire qui n’ait un jour été touché. Aujourd’hui, je n’ai pas d’outils, ni de statistiques robustes qui permettraient de donner une dérogation par région. L’avis du Conseil de surveillance n’a donc pas retenu la régionalisation.
Dans votre avis, vous mentionnez des prévisions climatiques saisonnières. Quel est le risque d’avoir de la jaunisse en 2022 ?
Aujourd’hui, les prévisions climatiques saisonnières annoncent un hiver avec des températures plutôt élevées et donc une forte pression des pucerons. La météo n’est pas une science exacte sur une prévision à plusieurs mois, donc en tant que président du Conseil de surveillance, je ne peux pas prendre le risque de mettre la filière en danger sur ce sujet.
Les professionnels avaient fait des demandes pour faciliter les cultures de maïs, de colza et de pommes de terre dans la rotation. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement (Anses) leur a répondu non. Ont-ils une chance d’être entendus ?
C’est vrai, l’Anses a refusé d’avancer d’une année la possibilité de cultiver le maïs, le colza et les pommes de terre. Nous devons prendre acte de ces avis, car l’Anses est une agence indépendante. Si les filières colza maïs et pommes de terre amènent des éléments nouveaux permettant de revoir cette décision, j’en serais heureux.
Que dites-vous aux agriculteurs qui trouvent que les successions culturales deviennent trop contraignantes ?
Qu’il faut continuer à travailler pour la filière betterave. L’Etat a tout fait pour protéger les sucreries. Les agriculteurs, qui ont investi dans leurs propres sucreries, ne doivent pas les laisser tomber. J’invite les agriculteurs à toujours semer de la betterave : les prix sont remontés, les rendements sont corrects cette année. La betterave n’est pas une science exacte. Il y a parfois des bas, mais il y aura aussi des hauts. L’Etat sera toujours aux côtés des betteraviers pour les protéger. Il l’a montré à travers cette loi accordant une dérogation pour les betteraves.
Quelles sont les étapes avant la publication de l’arrêté ?
Une consultation publique de 15 jours sera lancée la semaine prochaine. L’objectif est une signature de l’arrêté par les deux ministres aux alentours du 20 janvier. (NDLR : contre le 5 février 2021).
Quel est le poids de cette consultation publique ?
Elle est toujours importante pour soulever les points de vigilance et les attentes de nos concitoyens. Elle amènera peut-être les ministres à signer l’arrêté de dérogation en demandant des précisions à la filière ou à la recherche publique.
A l’approche des Présidentielles, peut-on craindre un emballement médiatique à cette occasion ?
Je suis serein sur la qualité du travail du conseil de surveillance, qui a été parfaitement mené avec des études scientifiques poussées. Nous aurons une dérogation pour 2022.
Comment jugez-vous les avancées du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI) ?
La filière a tenu ses engagements et a engagé les financements nécessaires. Nous avons lancé 23 projets de recherche en 9 mois. C’est 20 M€ d’investissement au total. Julien Denormandie a annoncé qu’il apporterait des financements complémentaires sur des projets où il manquait encore quelques centaines de milliers d’euros. C’est la première fois que nous lançons autant de projets de recherche en si peu de temps. Les résultats sont plus que prometteurs et nous amènent à penser qu’une alternative sera disponible pour 2023.