Il faut bien y revenir puisque l’actualité le commande. Les loups sont-ils plus nombreux que les comptages officiels ? C’est la question du jour. René Laurens, président de la Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles (FDSEA) des Hautes-Alpes est exaspéré. L’animal a attaqué dans le département quatre élevages différents et son propre cheptel a été décimé. En 2020, on a recensé sur le territoire national 3 730 attaques. Elles ont entraîné la mort de près de 12 000 animaux (en majorité des brebis) et coûté 32 millions d’euros. Pour la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, qui l’a confié au Figaro : « les mesures de prévention ne suffisent plus, il y a de plus en plus d’attaques mais on ne peut agir efficacement sans savoir combien de loups vivent en France ». Alors ? Nous avons certes les comptages officiels de l’ Office Français de la Biodiversité (OFB) : 624 loups adultes, soit une progression de 7% en un an. Mais avec une grosse marge d’erreur, puisque le chiffre réel pourrait se situer entre 414 et 834 individus. Notons les bizarreries des comptages : 624, 414, 834 individus … On a l’impression que l’on compte les animaux à l’unité près. Comment peut-on, en même temps, dire que les chiffres sont flous ? Mystère bureaucratique.
Une étude « Wolf scat detection dog improves wolf genetic monitoring in new French colonized areas » (la détection des excréments du loup par le chien améliore les repérages dans les zones françaises colonisées), engagée par l’OFB et publiée en anglais sur Bioone.org, donne certaines précisions. Le chien est beaucoup plus efficace que l’homme pour repérer la présence du loup. Dans les mêmes zones, le chien trouve 4,5 fois plus de crottes que l’équipe de bénévoles du réseau loup. 95 % des indices exploitables sont confirmés « lupus » ! On voit donc que l’animal est bien plus présent que l’on ne croit.
On attend des meutes en Gironde et dans les Landes
Du côté des amis du loup, on estime bien évidemment qu’en fait, à cause des abattages réglementaires, l’espèce régresse. C’est de bonne guerre. Cette année, les agents assermentés de l’OFB, en présence des chasseurs, ont tué 118 loups. Insuffisant pour freiner l’expansion ? C’est le sentiment de Thierry Coste, conseiller chasse de la FNC et qui a ses entrées à l’Elysée : « les dégâts progressent à la vitesse de l’éclair et l’animal est maintenant présent dans 44 départements ». À la mi-octobre, on a découvert un cadavre en Loire-Atlantique, on a des indices de présence en Bretagne, dans le Maine-et-Loire et sept nouvelles meutes ont été identifiées dans le secteur alpin. On attend des meutes dans moins de trente mois en Gironde et dans les Landes.
Le plan national loup prévoyait d’atteindre seulement un seuil de 500 individus, en 2023. Or, aujourd’hui, la population s’étend et galope. Sa présence est d’abord discrète. On relève des poils ici, des traces de pas plus loin, une observation visuelle, un témoignage. Et puis, l’animal étant grégaire, il ne tarde pas à s’assembler en meutes.
La Fédération nationale ovine s’alarme dans un communiqué. « Les moyens de protection proposés par l’État sont vite obsolètes » et « la multiplication des chiens de protection [est] une nuisance pour le voisinage, un danger pour les randonneurs ». La fédération demande « plus d’interventions des services de l’État dans les zones où les loups sont présents, pour les dissuader d’attaquer et leur apprendre à craindre les troupeaux ».
Les États-Unis l’ont retiré de la liste des espèces protégées
Une solution énergique serait de considérer l’animal comme un gibier, dont les prélèvements seraient assortis de quotas en fonction de la densité d’animaux dans les régions. En effet il n’y a aucune raison pour que la protection demeure quelle que soit l’évolution des effectifs. En 2009, les États-Unis, qui ne sont contaminés par aucune idéologie dans la gestion de la faune, ont retiré au loup son statut d’espèce protégée. « Les populations de loups sont maintenant viables, en très bonne forme et d’une grande diversité génétique » se félicitait, à l’époque Ed Bangs, l’un des responsables de la gestion des loups auprès de l’ US Fish and Wildlife Services. Mais, en Europe, en général, et en France, en particulier, la gestion de la faune est biaisée. Une espèce protégée ne change jamais de statut. C’est la règle. La bernache cravant – 60 000 hivernants dans le bassin d’Arcachon – pourrait supporter une pression de chasse. Il n’en est pas question.
Pour le loup, il faudra donc se contenter, pour le moment, d’abattages soigneusement encadrés et qui ne freineront pas le développement de l’espèce.
On peut penser cependant que, si l’expansion du grand prédateur se poursuit, les pouvoirs publics seront dos au mur. La pression du monde agricole deviendra trop forte et il se pourrait bien aussi que la population s’inquiète. Car défendre « notre ami le loup » quand il est loin est une chose. Mais aller lui serrer la patte quand il hurlera à la campagne, à deux pas des habitations, en est une autre …