Les betteraviers expriment leurs préoccupations à la veille du renouvellement de la dérogation sur l’utilisation des néonicotinoïdes et d’un calendrier électoral chargé l’année prochaine, avec les Présidentielles et les Législatives. Des inquiétudes qui laissent planer quelques craintes sur les emblavements 2022, alors que les prix des betteraves font pâle figure à côté d’autres productions de l’assolement.
C’est dans ce contexte que la CGB a présenté, lors de son assemblée générale statutaire du 29 novembre dernier, les résultats d’une enquête réalisée auprès de 600 betteraviers (dont 10 % de non cotisants).
Le résultat est sans appel : « la défense d’un prix rémunérateur de la betterave et le partage de la valeur sont encore plus prégnants qu’auparavant », a déclaré le secrétaire général de la CGB, Jean Philippe Garnot, en présentant les 5 préoccupations des betteraviers (voir encadré). Dans cette période difficile, où les néonicotinoïdes sont remis en cause, les impasses techniques sont également une source de préoccupation. À ce sujet, les planteurs demandent à la CGB de prendre davantage part au dialogue avec la société pour faire valoir leur point de vue. Jean-Philippe Garnot poursuit : « les betteraviers demandent au syndicalisme de se positionner sur les critères économiques : contrats, engagement, prix, organisation de marché, gestion des risques, marchés à terme ».
Cette consultation a fait émerger trois priorités que la CGB développera lors de son assemblée générale le 9 décembre prochain, avec la publication d’un livre blanc dans la perspective de la prochaine élection présidentielle.
Accélérer l’innovation
Le directeur général, Pierre Rayé, en a dévoilé quelques points.
Le premier enjeu est l’urgence face à la pression de la jaunisse, des charançons ou de la cercosporiose. Il y a aussi des menaces sur les produits de désherbage. La filière est très exposée aux risques de décroissance du projet agricole européen du Green deal et de sa déclinaison Farm to fork, qui prévoit une diminution de 50 % de l’utilisation des produits phytosanitaires et de 20 % des engrais azotés d’ici 2030.
« Nous devons favoriser la création d’un écosystème d’innovation betteravier de pointe et performant, explique Pierre Rayé. C’est-à-dire construire un cadre réglementaire stable et adapté à l’innovation, notamment aux nouvelles techniques d’édition génomique afin de relever le défi du Green deal et de répondre aux enjeux agronomiques de la betterave ».
La piste est déjà tracée par le plan national de recherche et innovation (PNRI) jaunisse qui peut servir de modèle d’innovation prioritaire, collaboratif et partagé entre la recherche privée et la recherche publique ; il serait très bien adapté pour trouver des solutions, par exemple contre le charançon.
Répondre au défi climatique
Le deuxième enjeu est de répondre au défi climatique. Une des pistes est de favoriser les crédits carbone agricole made in France dans un marché européen. En effet, plus de 90 % des compensations carbone sont actuellement importées. Valoriser le carbone agricole français et ses cobénéfices environnementaux dans les territoires doit constituer une priorité pour les politiques RSE des grandes entreprises et la commande publique. La profession agricole s’active pour structurer un marché européen de la compensation carbone et faire du label bas carbone une référence, pour qu’il puisse à terme fusionner avec le marché réglementé.
Gérer les risques
Le troisième enjeu est la gestion des risques. Pour les prix, il s’agirait de favoriser les contractualisations longues et l’usage des marchés à terme. En cas de crise de marché, la filière betterave souhaite bénéficier des outils d’intervention sur les marchés ou encore de la mise en place de fonds de filière cofinancés, comme l’instrument de stabilisation des revenus (ISR).
Enfin, les betteraviers souhaitent être mieux couverts contre les risques agronomiques par une assurance récolte adaptée aux besoins des exploitations betteravières avec une franchise à 20 %, afin de ne pas payer pour des assurances qui ne se déclenchent qu’une fois tous les 20 ans !
1 – Le prix des betteraves
2 – Les impasses agronomiques et les risques sanitaires
3 – La hausse des coûts de production
4- – Les risques climatiques
5 – la pérennité de la sucrerie
Témoignage d’Alexis Hache
« La principale attente des agriculteurs est aujourd’hui la stabilité réglementaire. Nous évoluons depuis quelques années avec une réglementation instable, ce qui crée une anxiété et des incertitudes en plaine. Pour la betterave, c’est la jaunisse, la disparition de désherbants, la suppression de l’intervention… L’agriculteur a besoin d’y voir clair pour savoir comment il pourra produire demain, et à quelles conditions de marché.
Le deuxième problème est celui créé par les responsables politiques, quand ils prennent des décisions sans étudier les impacts. Ils devraient éviter de prendre des mesures qui cassent une filière locale au détriment de productions venant de l’étranger.
Et quand un problème agronomique risque de mettre en danger une filière – comme pour le charançon – il faudrait prendre pour modèle le PNRI jaunisse pour financer des programmes de recherche ».