Combien de temps va encore durer cette valse dont on renonce à compter les temps ? Résumons : en août dernier le conseil d’Etat invalide les arrêtés du gouvernement autorisant la chasse traditionnelle au filet d’un certain nombre d’espèces. Devant les manifestations de chasseurs, ulcérés d’être à nouveau dans la ligne de mire, le pouvoir rectifie le tir en réécrivant huit arrêtés pour 2021-2022. Ils autorisent « la capture des vanneaux huppés et des pluviers dorés au moyen de tenderies aux filets » et la « tenderie aux grives et aux merles noirs » dans les Ardennes, « la capture de l’alouette des champs au moyen de matoles » dans les Landes et le Lot-et-Garonne et « la capture de l’alouette des champs au moyen de pantes » en Gironde, dans les Landes, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Atlantiques.

Les chasseurs ont, pensent-ils, eu gain de cause mais, patatras, la haute autorité administrative retoque une nouvelle fois les textes et interdit donc la chasse traditionnelle des espèces concernées. Le juge estime que le gouvernement a pris à la mi-octobre ces nouveaux arrêtés sur la même base, risquant de contrevenir au droit européen, et qu’il existe ainsi « un doute sérieux quant à leur légalité ».

Après cette première décision rendue en urgence, le Conseil d’État statuera au fond sur les recours dans les prochains mois. Après la saison de chasse …

Des dérogations délicates

Une fois de plus, la pierre d’achoppement dans cette affaire, c’est le droit communautaire. Les juges l’analysent, le dissèquent, pèsent le pour et le contre et comme tous ces textes sont interprétables, dans le doute, préfèrent surseoir.

La France, comme les autres pays, peut déroger aux Directives si elle en fait expressément la demande. Elle doit préciser qu’il s’agit d’une exploitation judicieuse de la ressource, conformément à l’article 9 de la directive oiseaux de 2009.

Il faudra donc apporter la preuve que les prises accessoires – celles qui ne sont pas concernées par la dérogation – sont « limitées et réversibles ». Il faut donc prouver qu’on n’a pas capturé un busard à la place d’un vanneau ou un pic-vert à la place d’une alouette. Cela tombe sous le bon sens. Qui n’est pas une preuve … Le juge administratif marche donc « sur des œufs » si l’on peut dire.

Il arrive que tout baigne. Comment expliquer autrement que des pays comme les Pays-Bas aient pu détruire jusqu’à 120 000 oies cendrées par gazage dans la plus parfaite sérénité ?

Idéologie

Le vanneau huppé, la grive, l’alouette des champs ne sont pas des espèces menacées. Les prélèvements de la chasse dite « traditionnelle » sont dérisoires : moins de 1 % des stocks d’oiseaux. Dans ces conditions, on peut estimer que la haute autorité administrative s’appuie trop sur le sacro-saint « principe de précaution ». Il y a vingt ans, on aurait sans doute tranché l’affaire rapidement. Mais aujourd’hui, c’est beaucoup plus compliqué. Pourquoi ? La réponse est simple. Pour des raisons idéologiques. La chasse n’a plus la cote. De très nombreux influenceurs sont parvenus à braquer l’opinion. Il s’agit donc, année après année, de rogner une pratique qui ne correspondrait plus aux goûts de l’époque. On le voit bien pour le renard dont les effectifs explosent.

Les associations « animalistes » parviennent de plus en plus à obtenir des tribunaux administratifs l’annulation des textes autorisant la régulation de l’animal dont, pourtant, les effectifs explosent. À la télévision, ce sont des reportages où le temps de parole du représentant des chasseurs est limité. On fait la part belle aux associations anti-chasse. On a pu voir récemment sur France 2 un représentant de l’une d’entre elles s’exprimer longuement en portant un pull-over orné de charmants petits motifs de renard. On nous montre aussi une dame donnant à manger à l’animal. On ne peut pas comprendre l’interdiction des chasses traditionnelles si on ne la replace pas dans ce contexte.

Année après année, on fait tomber des pans d’un loisir réputé exécrable, selon la fameuse théorie des dominos. Chaque domino tombé en entraîne un autre. Après les chasses traditionnelles, ce sera la vénerie, puis la chasse à la hutte, puis la chasse sous terre avant de s’attaquer à la durée de la saison de chasse, aux jours et heures d’ouverture et que sais-je encore.

La chasse n’est pas la seule concernée. Les pêcheurs ont, eux aussi, du souci à se faire. La pêche « au vif » est déjà interdite en Hollande et dans certains plans d’eau français. Toute atteinte à l’animal devient suspecte. C’est vrai en ville avec le mouvement vegan et c’est vrai dans le milieu naturel avec des offensives contre ces deux loisirs ruraux que sont la chasse et la pêche. Le juge administratif arbitre certes sur des points de droit. Mais, à partir du moment où plusieurs interprétations sont possibles, comment échapperait-il totalement à l’humeur du jour ?