Après quelques incertitudes sur le fait que le sucre soit concerné ou non par la loi Egalim 2, les décrets publiés le 29 octobre dernier confirment que cette loi, visant à protéger la rémunération des agriculteurs, s’appliquera bien à la filière betterave. En effet, le décret spécifiant les produits alimentaires exclus ne mentionne pas le sucre (voir encadré).
La CGB s’en félicite et estime que les sucriers pourront ainsi mieux négocier leurs contrats avec les acheteurs en répercutant les hausses de prix. Selon Timothé Masson, économiste à la CGB, « une des causes de la crise qui a suivi la fin des quotas tient au mode de contractualisation du sucre. Des engagements contractuels à prix fixe et sur long terme n’ont pas permis à la très grande majorité du sucre produit dans l’Union européenne de bénéficier des hausses observées sur le marché spot. En instaurant des clauses automatiques d’ajustement des prix, cette loi peut être l’occasion d’assurer des garanties en terme de volumes de sucre livrés à un acheteur, sans empêcher une évolution du prix en fonction de l’état réel du marché ».
De leur côté, les sucriers étaient opposés à ce que le sucre soit concerné par cette loi estimant qu’elle va fragiliser « l’échelon de la transformation industrielle ».
L’ambition de la loi Egalim 2 portée par le député Grégory Besson-Moreau est de donner des outils aux différents intervenants pour répercuter en cascade les prix des produits transformés en France jusqu’aux distributeurs. Comment va-t-elle fonctionner pour le secteur betterave – sucre ? Voici quelques réponses.
Quels sont les changements pour les ventes de sucre ?
Les vendeurs et les acheteurs de sucre (ou de produits transformés contenant du sucre) devront faire figurer, dans leurs contrats de vente, des indicateurs relatifs aux prix de marché ou éventuellement de coûts de production. Ces indicateurs impacteront, de manière automatique, le prix de vente librement négocié. À noter cependant qu’il est tout à fait possible aux intervenants, qui ne veulent pas respecter l’objectif de la loi, de rester sur un prix fixe, en jouant sur la formule de prise en compte mais aussi les échéances pour appliquer cette formule. En revanche, un sucrier qui ne voudra pas s’enfermer sur un prix fixe à long terme aura la loi avec lui pour y parvenir, et des indicateurs à disposition sur lesquels s’appuyer.
Le contrat betterave est-il concerné ?
La loi ne changera rien aux contrats liant betteraviers et sucriers. La filière betteravière avait été exclue de la loi Alimentatipn issue des EGA, car la réglementation communautaire prévoit déjà un partage de la valeur entre l’agriculteur et son acheteur sucrier. Mais si les prix du sucre varient, cela aura un impact sur le prix de la betterave.
Comment seront déterminés les indicateurs ?
Pour que cette loi soit opérationnelle, l’interprofession (AIBS) diffusera des indicateurs qui pourront être utilisés dans les contrats de vente du sucre. La CGB estime que les indicateurs intéressants sont ceux du marché du sucre.
À quelle date s’appliquera la loi ?
Elle s’appliquera à partir du 1er janvier 2022, sachant que les nouveaux contrats passés entre vendeurs et acheteurs doivent être conformes à la loi à partir du 1er novembre 2021. Les contrats existants doivent être mis en conformité avant le 1er mars 2023.
Egalim 2 va-t-elle conduire les industriels à payer davantage les betteraves ?
Si comme l’indique La Coopération agricole, Egalim 2 constitue « une avancée notable pour tenter d’enrayer la guerre des prix » – et par conséquent obtenir des prix du sucre plus élevés – alors l’application de règles de partage de la valeur devrait se retrouver dans le prix des betteraves. Un exemple concret : si la loi avait été mise en place l’année dernière, les sucriers auraient déjà pu bénéficier de la hausse des cours qui s’est enclenchée depuis cet été. Selon les calculs de la CGB : une application de la loi Egalim 2 à partir de janvier 2022 permettrait, en théorie, d’obtenir une révision à la hausse des contrats (qui avaient été négociés l’été dernier) de 16 à 18 % pour les livraisons allant de janvier à septembre 2022, soit environ 75 €/t de sucre équivalent à presque 5 €/t de betterave !
La liste des produits exclus de la mesure de sanctuarisation du prix des matières premières agricoles à partir du premier acheteur est assez longue : les fruits et légumes frais ; les vins, spiritueux et cidres ; les eaux minérales et aromatisées ; les céréales et oléoprotéagineux de première transformation. Tous ces produits ont été exclus en raison de spécificités de production et de marché. Pour les céréales, l’argument est que l’agriculteur peut être acteur du prix grâce aux marchés à terme. Les dérivés céréaliers que sont l’isoglucose, le fructose et le glucose sont exclus. L’éthanol et la pulpe de betterave le sont aussi.
À noter enfin que les pommes de terre à l’état brut et les produits amylacés (fécule et dérives) sont exclus d’Egalim 2, mais pas les autres produits transformés (frites, chips, purée,…) sont bien dans le champ de la loi… Comme le sucre donc.