Sur les places de marché, les opérateurs sont aux aguets. Ils surréagissent au moindre signe de tension qui survient. Et dans l’Union européenne, le taux de change de l’Euro (1 €=1,16 $) amplifie les variations des cours du blé en dollars quand ils sont convertis en euros. Le 7 octobre dernier et les jours suivants, le prix de la tonne de blé a atteint 270 €.
Les pays importateurs (Égypte, Algérie, Turquie) sont aux achats. 190 millions de tonnes (Mt) de blé seront échangées dans le monde. Or, l’ensemble des opérateurs a compris, voilà des semaines, que la campagne sera tendue : la production mondiale de blé sera déficitaire de 2 Mt alors qu’elle bat un nouveau record (780 Mt).
Dans l’hémisphère sud, les prévisions de récoltes très optimistes n’y changeront rien. À partir du mois de décembre prochain, 32 Mt de blé seraient récoltées en Australie et 19 Mt en Argentine.
Entre les pays importateurs et les pays exportateurs, une partie du dénouement de la campagne de commercialisation de blé actuelle, mais aussi de la prochaine en 2022-2023, se joue en ce moment en Russie.
En produisant 75 Mt de blé, le pays pourra en exporter 34 Mt (- 4 Mt sur un an).
Mais, selon les informations rapportées par Sovekon, expert en Russie des marchés céréaliers, le pays pourrait fixer, à partir du mois de février 2022, un nouveau quota d’exportation. Il serait défini en fonction des volumes de grains expédiés durant la première moitié de la campagne et des prévisions de production pour l’été 2022 à la sortie de l’hiver.
En 2022, ce quota s’ajouterait ainsi aux droits de douane déjà en vigueur (autour de 50 € par tonne). Au début de l’année, un premier quota d’exportation avait été fixé à 17,5 Mt en 2021.
Comme pour le pétrole et le gaz, la Russie tire profit, par les prix élevés du blé, de la forte reprise de l’économie mondiale.
Pas de pays pour prendre le relais
Une baisse de 5 % de la surface des cultures d’hiver ampute le potentiel de production de blé en 2022-2023. Jusqu’à 1,2 million d’hectares de céréales d’hiver en moins serait emblavé par rapport à 2020 en raison des conditions météorologiques trop sèches. Par ailleurs, les prix des intrants rendent leur culture moins rentable.
Cette année, le blé russe est particulièrement convoité car il est de très bonne qualité. Selon Sevekon, 87,5 % des grains seraient de qualité meunière. Et même 62,2 Mt de grains seraient de classe 3 et de classe 4 avec un taux de protéines de 13,5 % et un taux de gluten de 22,6 %.
Dans le bassin de la mer Noire, l’Ukraine prend quelque peu le relais de la Russie à l’export. Le pays vendra les trois quarts de sa production (23 Mt), soit 6 Mt de plus que l’an passé. Près de 10 Mt ont déjà été embarquées. Mais aucun pays producteur de la planète n’est réellement en mesure de s’imposer sur les marchés.
Or, la demande de blé des pays méditerranéens croît encore, comme chaque année. Mais ces derniers mois, la hausse du prix du pétrole donne aux états producteurs d’hydrocarbures des moyens supplémentaires pour pouvoir acheter des céréales plus chères que les années passées. Enfin, la Chine fait dorénavant partie des grands pays importateurs de blé (9,5 Mt). Elle est même en troisième position derrière l’Égypte et l’Indonésie, si on met à part la Turquie qui réexporte, sous forme de farine, une grande partie des quantités de blé qu’elle importe.
Hormis ses 75 Mt de blé récoltées, la Russie produirait 18,3 Mt d’orges, 4,1 Mt de maïs et 2 Mt de seigle dédiées à ses consommateurs. Au total, le pays récolterait 115 Mt de céréales cette année selon le CIC et il en exporterait 43 Mt, soit respectivement 12 Mt et 6 Mt de moins que l’an passé.