« Salut, salut ! », commence-t-il dans chacune de ses vidéos. Un gimmick devenu sa marque de fabrique. Que ce soit pour livrer un point de vue, un conseil ou parfois un petit coup de gueule, Bruno Cardot s’exprime régulièrement dans de courtes vidéos sur les réseaux sociaux. En mode humoristique le plus souvent, avec un chapeau ou une perruque, il nous parle du développement de ses cultures, de la météo, des récoltes, au gré de ses envies, de son humeur ou de l’actualité. Le tout avec le sourire à chaque fois, en seulement une minute. Parfois davantage, quand il s’agit de parodier des chansons connues comme « La tribu de Dana », avec des amis.
En l’espace de quelques années, cet agriculteur jovial, installé à Moÿ-de-l’Aisne (Aisne), s’est imposé comme un ambassadeur agricole incontournable des réseaux sociaux, présent sur Twitter avant tout, mais également sur Facebook, YouTube et même TikTok « pour expliquer le métier aux jeunes », justifie-t-il. Il est aussi depuis 2019 membre de l’association FranceAgriTwittos (#FrAgTw), un réseau d’agriculteurs engagés dans la communication positive, et comme ambassadeur de la production de betteraves, via le réseau Bett de com.
Celui qui dit ne pratiquement plus regarder la télévision est devenu un adepte des réseaux sociaux. « J’y passe en moyenne deux heures par jour, tôt le matin et le soir. Parfois, c’est davantage quand je suis dans mon tracteur. On y apprend énormément. La difficulté est d’éviter que cela empiète sur la vie familiale », souligne-t-il.
Expliquer l’agriculture aux Français
Âgé de 49 ans et père de deux enfants de 20 et 22 ans, Bruno Cardot a bien compris le pouvoir des réseaux sociaux sur l’opinion publique aujourd’hui. « Qui, mieux que nous agriculteurs, peut parler le mieux de notre métier ? Il faut que l’on s’y colle. Pas besoin de faire beaucoup et long. Quelques photos de temps en temps suffisent », insiste-t-il. Pour lui, « les Français aiment bien les agriculteurs, mais ne comprennent pas bien l’agriculture. Il faut leur expliquer ». Mais pas facile de se distinguer dans un océan de profils et de comptes. « Il faut se démarquer. La première image doit claquer tout de suite pour attirer l’œil. Il faut essayer de varier la forme ensuite pour ne pas lasser. J’ai choisi l’humour, la satire et l’autodérision. Ce sont des outils que nos détracteurs n’utilisent pas. Ils ne savent pas faire », affirme-t-il.
Très actif sur les réseaux sociaux, Bruno Cardot l’est aussi dans sa ferme. Titulaire d’un BTSA d’analyse en conduite et stratégie d’entreprise (ACSE), il devient salarié de l’exploitation familiale pour la partie élevage en 1994. Mais, trois ans plus tard, à la suite de changements dans sa famille, il reprend progressivement l’exploitation. Il se partage alors entre les 6 700 têtes de son activité d’intégration de veaux de boucherie et la production de grandes cultures (blé, betteraves, pommes de terre de fécule, orge, colza). Puis, la partie élevage est progressivement arrêtée à cause d’une baisse de la demande et de la rentabilité. Depuis, il diversifie ses activités pour sécuriser le revenu de sa ferme. « Je cherchais à développer mon activité dans une optique de filières courtes et de productions locales », explique-t-il. Avec son voisin et ami betteravier Sébastien Varlet, il vient de se lancer dans le vin. Les premiers pieds de Chardonnay ont été plantés en juin sur un hectare. L’objectif pour les deux associés est de produire un vin tranquille haut de gamme en Haute valeur environnementale (HVE). Les premiers vins pourraient être commercialisés en 2023.
Du vin et une ferme solaire
Bruno Cardot réfléchit à d’autres diversifications. La méthanisation est pour lui trop astreignante. « C’est comme une vache géante, qu’il faut alimenter en permanence », estime-t-il. Il se lance finalement dans l’agrivoltaïsme. Cette solution lui permet de convertir d’anciens bâtiments d’élevage qu’il va transformer en stockage du blé et de pommes de terre, tout en générant un complément de revenus. Sa ferme solaire devrait être opérationnelle début 2022. Elle aura une capacité de production de 500 kWc, sous contrat avec Enedis pour 20 ans, moyennant un investissement d’installation et de raccordement de 360 000 euros.
D’autres projets de diversification sont en cours de réflexion. Pourquoi ne pas cultiver demain du quinoa, du soja ou du chanvre ? Bruno Cardot y pense sérieusement. « Il faut travailler à plusieurs pour ces projets avec l’objectif de créer des filières courtes et locales », estime-t-il. De quoi lui donner sûrement de prochains sujets pour de futures vidéos. « Il ne faut pas se mettre la pression. Les idées viennent toutes seules. Je ne veux pas m’imposer de contraintes de dates de diffusion. Comme je raconte mon métier, je n’ai pas toujours le temps », conclut-il.