Quel premier bilan faites-vous de la récolte 2021 ?
Les emblavements ont été en retrait de 3 % en moyenne sur le territoire, suite aux préconisations de l’UNPT et du NEPG de maîtriser les surfaces cette année. Les plantations se sont faites dans de bonnes conditions au printemps. Mais les températures basses et l’excès de précipitations ensuite ont entraîné des retards de rendement jusqu’à cet été. Le retard a été comblé en partie aujourd’hui. Le rendement moyen devrait se situer autour de 43,5 t/ha, légèrement au-dessus de la moyenne quinquennale. Au final, nous devrions être dans une année équilibrée.
Quel est le surcoût lié au mildiou ? Les industriels vont-ils le prendre en compte dans les prix ?
La pression mildiou a atteint un niveau rarement égalé cette année, à cause des conditions météorologiques exceptionnelles. Le mildiou a démarré tardivement mais, après le 15 juin, on a eu beaucoup d’eau et des conditions idéales pour son développement. Cela a affecté une partie importante de la production bio. En conventionnel, cela a engendré une augmentation des coûts de production liée aux traitements phytosanitaires, que nous estimons à 300 €/ha minimum. Dans les contrats existants, il n’y aura pas de revalorisation liée aux surcoûts de mildiou. En revanche, on peut espérer que les prix seront plus élevés dans les prochains contrats, si les industriels ne veulent pas détourner les producteurs de la pomme de terre. La demande pour des volumes est là. Nous pouvons donc penser que les prix seront plus élevés sur le marché libre.
Est-ce que les hausses des coûts liés à de la disparition du CIPC ont pu être répercutées ?
Il y a deux ans, les industriels ont bien appliqué des augmentations aux primes de conservation pour compenser les surcoûts générés par l’abandon du CIPC. Mais pour cette année, on a assisté à une baisse des prix des pommes de terre sous contrat (environ 110€/t départ récolte), tandis que la baisse des primes de stockage a été un peu moins forte. Or beaucoup de bâtiments étaient inadaptés à l’utilisation des nouveaux antigerminatifs et il a fallu procéder à de gros investissements.
Où en est le versement des aides promises l’année dernière suite à la crise Covid ?
Sur les 10 millions d’euros promis initialement par Didier Guillaume, seule une enveloppe de 4 M€ au titre de l’aide au dégagement a été débloquée. Cette enveloppe n’a pas été complètement consommée, car toutes les pommes de terre dégagées n’ont pas été indemnisées du fait des conditions requises. Quant aux 6 M€ restant, l’État s’est tourné vers les régions et leur a demandé de mettre en place le plan bâtiment. Les dossiers sont aujourd’hui clos en Hauts-de-France, mais personne n’en connaît le résultat. Par ailleurs les démarches et critères étaient assez contraignants, ce qui a plutôt freiné les producteurs.
Il y a de nombreux projets d’usines de transformation. Les agriculteurs français vont-ils en profiter ?
Les industriels auront besoin de milliers d’hectares de pommes de terre en plus. Nos terres ne sont pas encore saturées contrairement aux Pays-Bas ou, dans une moindre mesure, à la Belgique. On peut donc penser que la construction de nouvelles usines aura une incidence sur la valorisation de la pomme de terre en France. L’autre facteur qui fera que la pomme de terre sera mieux valorisée à l’avenir, c’est la concurrence entre les productions dans l’assolement. Les industriels devront tenir compte des prix élevés des céréales et du colza. Il ne sera pas facile de trouver un producteur qui va investir dans le stockage et l’irrigation. Cela nécessitera une relation contractuelle durable.
Quels conseils donneriez-vous à des producteurs qui voudraient se lancer dans la pomme de terre ?
De ne pas s’attacher qu’à la grille de prix, il faut analyser toutes les clauses de son contrat. Il faut, par exemple, bien regarder ce qui est prévu en primes de qualité et en cas d’aléas climatiques : quand on signe un contrat de 40 t/ha et que l’on fait 30 t/ha, certains industriels demandent de racheter les tonnes manquantes et, certaines fois, ce coût représente davantage que le chiffre d’affaires !
Que pensez-vous de la loi Besson-Moreau ? Est-ce que la filière va s’inscrire dans le dispositif des indicateurs, et si oui, comment ?
Cela part d’un constat qui est le bon : le prix est insuffisant pour le producteur. Il est toujours surprenant de devoir passer par une loi pour résoudre le problème des revenus des producteurs, alors que cela devrait découler simplement du bon sens. Le risque est que cette loi décale le problème. Si l’on sanctuarise les coûts de production des agriculteurs, où va s’exercer la pression ? Comme à chaque fois, il y a fort à parier que le dispositif sera contourné par les distributeurs. Le comble serait que les effets de cette loi ne bénéficient pas à la production française.
La réforme de la PAC instaure les éco-régimes. Les producteurs de pommes de terre pourront-ils bénéficier de ces aides ?
Avoir des pommes de terre dans son assolement ne constitue pas un avantage pour toucher les éco-régimes. La pomme de terre avait demandé d’être dissociée des plantes sarclées, mais cela n’a pas été retenu, ce qui pénaliserait les producteurs de grandes cultures dans les Hauts-de-France, notamment. Avec le secteur de la betterave, l’UNPT demande donc désormais de pouvoir bénéficier d’un point supplémentaire dès lors que la superficie des plantes sarclées dépasse les 20 %. Une autre piste pour toucher les éco-régimes standards serait la certification environnementale de niveau 2 + « sobriété », qui pourrait être basée sur l’utilisation d’OAD comme Miléos, dont se servent 70 % des producteurs.
L’aide couplée fécule est-elle sanctuarisée ?
L’UNPT demandait de multiplier cette aide par trois. Elle devrait être maintenue à son niveau actuel. La production féculière est en grande difficulté et le marché devra être plus rémunérateur si l’on veut encore avoir de la fécule en France à l’avenir.
Que manque-t-il au Varenne de l’eau pour améliorer la gestion des risques ?
Il manque une notion importante : le cas de force majeure. Ce n’est pas parce qu’on aura touché les assurances, que les pommes de terre seront là. Qu’en sera-t-il des contrats signés qui resteront à honorer ? Concernant l’irrigation, la première chose est de trouver des variétés résistantes à la chaleur et la sécheresse. Mais il faut que nos clients arrêtent de demander des variétés qui nécessitent beaucoup d’eau pour se développer. Enfin, il faudrait un plan Marshall au niveau des régions pour quantifier les besoins et les possibilités de stockage de l’eau. Il en existe beaucoup, comme les anciens bassins de sucreries par exemple.
Les contraintes liées à la réintroduction des néonicotinoïdes en betterave vont-elles avoir des conséquences sur les emblavements en 2022 ?
L’impossibilité de planter des pommes de terre après des betteraves traitées avec des néonicotonoïdes aura des conséquences. Les producteurs de betteraves qui arrachaient tardivement plantaient souvent des pommes de terre. Ce sera désormais impossible. Pour l’heure, il est difficile de quantifier l’impact réel que cela aura. Même si cela ne concerne que quelques pourcentages de la production, cela sera déjà trop dans un contexte où les industriels recherchent des surfaces.