Début août, les tiges se sont en grande partie couchées. Le bleu-violet des fleurs de mélilot est la seule couleur qui tranche encore sur le vert dominant dans le couvert. « En juin, c’était magnifique. La végétation frisait le mètre vingt-trente de haut », se souvient Jean-Philippe Brumpter, céréalier, viticulteur et betteravier installé en Gaec avec son fils Victor sur une centaine d’hectares à Furdenheim, aux portes de Strasbourg. En 2021, il a implanté pour la première fois ce mélange de 30 % de sainfoin, 20 % de phacélie, 10 % de trèfle blanc, 10 % de trèfle violet, 10 % de bourrache et 10 % de mélilot. « J’ai labouré l’hiver et semé en mars en ligne à 20 cm en combiné herse rotative, semoir à céréales et rouleau, à une densité de 30 kg/ha. La levée a été bonne. Le semis est la principale condition de réussite », insiste-t-il. Ces bandes de cinq mètres bordent les habitations contiguës à quatre de ses parcelles. Le Gaec a pris un engagement de jachère mellifère pour trois ans renouvelables. Conseiller municipal, Jean-Philippe a coordonné l’opération entre les onze agriculteurs de sa commune et la collectivité. Cette dernière a payé la semence (150 €/ha) et Jean-Philippe s’est chargé du semis de ces bouts de parcelle pour tous ses collègues sur une surface cumulée de 1,5 ha. Les exploitants sont indemnisés par la commune à hauteur de 20 €/are, histoire de compenser la perte de récolte. « Le travail est offert », précise Jean-Philippe Brumpter.
Peu de latitude aux mauvaises herbes
L’exemple de Furdenheim n’est pas unique. Dans le Bas-Rhin, une quarantaine de communes ont signé une charte négociée par la FDSEA qui prévoit des jachères mellifères de 5 ou de 10 m indemnisées, selon le cas, 1 ou 2 € HT le mètre linéaire. « L’aide pivot est autour de 20 €/are », explique Joseph Behr, directeur du syndicat betteravier. « Elle rémunère la préparation d’un sol fin avec peu de mauvaises herbes, un éventuel passage de herse en cas de repousse. Toutes les terres se prêtent à cette formule. Il y a des essais en cours pour renforcer l’objectif mellifère avec des plantes qui ne soient pas trop invasives. Tant les agriculteurs que les communes jouent le jeu. Un planteur de betteraves est d’autant plus sensible à la problématique s’il veut utiliser des variétés traitées aux néonicotinoïdes. Dans le cadre de cette obligation, Cristal Union met des semences à disposition ». Pour sa part, Yohann Lecoustey, directeur de la FDSEA du Bas-Rhin, relève que « les jugements récents concernant les ZNT (Ndlr : notamment la décision du Conseil d’État du 26 juillet 2021 annulant les dispositions prises par le gouvernement) conduisent à de l’instabilité réglementaire. Si certains aspects de la charte devenaient obligatoires, leur rémunération actuelle serait remise en cause ».
À Furdenheim, Jean-Philippe et Victor Brumpter se félicitent d’avoir pu « transformer une contrainte réglementaire en atout d’image ». « Nous montrons que nous faisons des efforts tout en ramenant de la biodiversité », disent-ils. Les retours des riverains ont été faibles. Ils ont relevé que « ça faisait joli ». Certains ont exprimé leur crainte par rapport à la présence d’abeilles et d’autres ont été déçus de ne pas disposer gratuitement à leur porte de fleurs à couper ! « C’est un couvert fourni qui produit une belle biomasse et qui laisse peu de latitude aux mauvaises herbes. Les chénopodes ont du mal à s’y développer », note Victor. La jachère doit passer au broyeur en septembre. En théorie, elle doit perdurer grâce au propre réensemencement des plantes elles-mêmes. Mais père et fils prévoient d’en ressemer chaque année pour assurer le coup !