« La disponibilité de l’azote dans le sol doit être un critère du choix de son couvert », affirme Romain Grignon, d’Agro-Transfert Ressources et Territoires Hauts-de-France. Le projet multifonctionnalité des couverts d’interculture mené en collaboration avec l’Inrae et d’autres partenaires agricoles, présenté en mars 2021, l’a mis en évidence.
Des légumineuses peu utiles dans des sols pourvus en azote
« La diversité du milieu est maximale lorsque le sol a une teneur moyenne en azote », rappelle Nicolas Baudoin, de l’Inrae à Laon. Dans les situations extrêmes (abondance ou pauvreté en azote), seules les espèces adaptées à ces situations s’expriment. Ainsi, les légumineuses s’épanouissent en cas de manque d’azote. Dans les mélanges légumineuses/non légumineuses, elles y apportent alors un plus de productivité 0,5 à 1 t/ha de MS.
En cas de forte disponibilité d’azote, ce sont surtout les non-légumineuses qui s’épanouissent avec une production de biomasse plus importante. Avec, en tête, les orties ou certaines crucifères. Lors d’un excès azoté, le couvert de moutarde sera plus productif qu’un mélange vesce-phacélie-repousses par exemple. « Implanter un mélange dans ce cas n’apporte pas de gain de productivité par rapport à une moutarde seule, d’autant plus que le coût n’est pas le même », constate Romain Grignon.
Certaines espèces disposent d’une vitesse d’acquisition de l’azote (grammes d’azote par ha et par degré/jour) beaucoup plus importante que d’autres. Ainsi, le tournesol et le radis fourrager intègrent deux fois plus vite l’azote (153 et 148 g/ha/j) que l’avoine de printemps et l’avoine rude par exemple (65 g/ha/°j). La phacélie et les différentes moutardes disposent aussi d’une capacité d’absorption rapide de l’azote (voir tableau).
Cependant, cette vitesse d’absorption de l’azote doit être combinée avec la température à laquelle les espèces vont commencer à croître. La moutarde blanche commence à se développer dès 1°C, alors que la moutarde d’Abyssie ou le tournesol débute leur croissance à 7°C.
Des champions et des perdants de la fixation azotée
Le taux de fixation de l’azote symbiotique des légumineuses, azote fixé par tonne de biomasse, varie beaucoup selon les espèces. « Il dépend », poursuit le chercheur de l’Inrae, « de la préférence génétique de l’espèce pour l’azote minéral ou le diazote et de la disponibilité de l’azote minéral dans le sol ». La vesce velue, par exemple, fixe 40 kg/t de MS/ha contre 30 kg pour le trèfle violet et la vesce commune. La lentille et la féverole fixent autour de 25 kg et le pois et la luzerne 20 kg. Le lupin blanc, le pois chiche et le fenugrec arrivent à la traîne avec moins de 10 unités captées par tonne.
La croissance des légumineuses dépend aussi du rhizobium disponible dans le sol. Les espèces exotiques, par exemple, ne disposent pas du bon rhizobium dans le sol. Il faut tenir compte de l’inoculation nécessaire de certaines espèces. De plus, ce taux doit être combiné avec la quantité de biomasse produite à l’hectare. « En fin de compte, la quantité d’azote fixée s’avère très corrélée à la biomasse du couvert et, en second lieu, au taux de fixation de l’azote symbiotique », insiste Nicolas Baudoin.
Jouer sur la complémentarité pour un couvert performant
« Il existe toujours une espèce plus adaptée au contexte de la parcelle. Mais il est très difficile de savoir à l’avance laquelle », regrette l’expert de l’Inrae. « En général, le couvert diversifié est un peu moins performant que l’espèce pure la plus adaptée. Mais comme nous ne connaissons qu’a posteriori l’espèce pure la plus performante, opter pour un couvert diversifié permet de sécuriser les résultats. La performance, légèrement inférieure à celle de l’espèce pure la plus adaptée, sera néanmoins très proche ».
Le couvert diversifié s’avère plus robuste. Le mélange assure une productivité dans un environnement incertain et variable. De plus, il permet de s’adapter à chaque zone hétérogène des parcelles.
La productivité d’un couvert en biomasse croît en fonction du nombre d’espèces (jusqu’à 9) et plus encore en fonction de la diversité fonctionnelle des espèces (racines fasciculées ou pivotantes, qui couvrent plus le sol ou montent plutôt en hauteur, gélives ou non gélives).
S’adapter au milieu avec une calculette
« L’intérêt d’implanter un mélange dépend fortement du milieu », résume Romain Grignon. Agro-Transfert a mis au point une calculette disponible sur le site cultivons-les-couverts.agro-transfert-rt.org. L’agriculteur peut calculer le bilan d’azote pour l’inter-culture (rendement et fertilisation prévus et réels, minéralisation de l’humus et des résidus de culture). Si la quantité d’azote s’avère importante, il se dirigera vers la moutarde, les graminées ou la phacélie. Dans un contexte pauvre en azote, il pourra y associer une légumineuse dans un mélange légumineuses-graminées pour plus de robustesse. Les légumineuses s’épanouiront en cas de manque d’azote, alors qu’en cas d’abondance, les cultures pièges (moutarde, phacélie, graminées) se développeront.
Le choix intégrera le coût et les dates de semis. Les légumineuses nécessitent un semis précoce pour disposer de suffisamment de température. Pour le mélange avoine-vesce, plus le semis sera tardif, moins il sera productif. Ceci est moins vrai pour une moutarde seule. La moutarde blanche, l’avoine et le ray-grass italien sont les champions des semis tardifs car ils poussent dès 1 ou 2°C (température de base de croissance). Autre facteur à prendre en compte : la date de destruction du couvert. Les légumineuses tolérantes au froid (vesce velue…) les valoriseront beaucoup mieux. Au printemps, elles seront les plus présentes. À vos calculs.