Les prix des commodités sont élevés en cette fin de campagne. Sur la base de rendements moyens, Grégoire, agriculteur normand, escompte un bénéfice de 55 000 € en 2021, alors que les deux années passées, ses revenus n’excédaient pas 25 000 €. Pour éviter une flambée de ses prélèvements obligatoires, il prévoit d’épargner une partie de ses futurs bénéfices en réalisant une Dotation pour épargne de précaution (DEP).
Mais Grégoire sait que cette dotation ne pourra pas excéder 34 900 € puisque son bénéfice serait compris entre 50 000 € et 75 00 € (voir barème ci-dessous).
Or, si Grégoire a réalisé 40 000 € de DEP dans le passé, il déduit donc intégralement les 34 900 € de son prochain bénéfice. En effet, le montant total de ses dotations (74 900 € : 40 000 € + 34 900 €) sera inférieur au plafond de 150 000 €. Toutefois, au moins la moitié de cette nouvelle DEP (17 450 € ; 34 900 €/2) devra être versée sur un compte bancaire.
« Ce compte est spécialement réservé à cette mesure fiscale », rappelle Julien Forget, avocat du cabinet Terrésa du groupement Agiragri. « Un compte bancaire en sommeil ne peut-être utilisé pour y verser les 17 450 € ».
Comme Grégoire a effectué par le passé diverses dotations, ce compte est d’ores et déjà crédité de 24 000 € (60 % des 40 000 €). Aussi, le versement de 17 450 € supplémentaires portera son solde à 41 450 € (24 000 € + 17 500 €).
La nouvelle dotation de 34 900 € devra être réaffectée au titre du résultat d’un des dix prochains exercices, jusqu’en 2031, une fois les DEP de 40 000 € elles-mêmes réaffectées. A cet effet, un tableau de suivi des DEP mentionnera les sommes créditées et débitées.
Enfin, une fois la dotation de 34 900 € déduite, seuls 21 100 € (55 000 € – 34 900 €) seront pris en compte pour calculer ses prélèvements fiscaux et sociaux.
Réaffecter d’ici 2031
En réaffectant ses dotations, Grégoire financera des charges de fonctionnement ou les charges exceptionnelles de l’exploitation sans avoir à justifier l’emploi de ces sommes réaffectées. Mais l’administration fiscale pourrait en faire la demande.
Si Grégoire est éleveur, en plus d’être céréalier, il pourrait décider de substituer à l’épargne monétaire des coûts de production ou d’acquisition de stocks de fourrages destinés à être consommés par ses animaux.
Attention cependant : la consommation de ces stocks revient à utiliser de l’épargne monétaire et à réintégrer les sommes concernées à due concurrence.
Quoi qu’il en soit, l’agriculteur veillera toujours à ce que le montant au crédit du compte bancaire affecté aux DEP (éventuellement majoré de l’épargne « physique ») soit au moins égal à la moitié des dotations restantes, sans excéder 100 % de ces dernières. Comme Grégoire pense disposer de 74 900 € à la fin de l’exercice de 2021, la somme immobilisée sur son compte bancaire devra être d’au moins 37 450 € (74 900 /2) sans excéder 74 900 €. « C’est le point faible de ce dispositif », déplore Julien Forget. « Pourquoi plafonner le montant de l’épargne ainsi constituée et sanctionner l’agriculteur en cas de dépassement ? Alors que l’objectif est la constitution d’une épargne de précaution ».
« Par exemple, si Grégoire a besoin de 10 000 € de trésorerie, il devra retrancher sur son tableau de suivi des DEP au moins 12 000 € pour que le ratio de 50 % soit respecté », explique Julien Forget. En effet, puisque le montant au crédit de son compte bancaire sera alors de 31 450 € (41 450 € – 10 000 €), le solde de ses DEP devra être au maximum du double, soit 62 900 € (31 450 X 2). Il était auparavant de 74 900 €.
Dans le même temps, les 12 000 € seront réintégrés au résultat de l’exercice de prélèvement ou au titre de l’exercice suivant.
Pour un bénéfice inférieur à 27 000 €, le montant de la déduction peut atteindre 100 % du bénéfice agricole imposable au régime simplifié ou normal :
Entre 27 000 € et 50 000 €, le montant peut être de 27 000 € + 30 % du bénéfice supérieur à 27 000 €
Entre 50 000 € et 75 000 € : 33 900 € + 20 % du bénéfice supérieur à 50 000 €
Entre 75 000 € et 100 000 € : 38 900 € + 10 % du bénéfice supérieur à 75 000 €
Pour un bénéfice supérieur à 100 000 € : 41 400 €
Pour les GAEC et les EARL, ces plafonds sont multipliés par le nombre d’associés exploitants, dans la limite de quatre et du montant du bénéfice.