C’est une occasion manquée pour l’Europe, qui aurait pu renforcer son secteur sucrier. Si des progrès ont été réalisés en matière de régulation des productions agricoles dans le cadre du règlement sur l’organisation commune des marchés (OCM) pour d’autres produits – par exemple le vin – ce n’est pas le cas du sucre. C’est ce qui ressort du trilogue du 25 juin dernier entre le Conseil, le Parlement européen et la Commission sur la réforme de la PAC. Un accord qui a reçu le feu vert des ministres de l’Agriculture le 28 juin.
« Les législateurs ont considéré le secteur de la betterave sucrière comme un secteur clé dans ces négociations. Malheureusement, cela n’a pas conduit à une décision adéquate et concrète pour rendre le sucre éligible à l’intervention publique et renforcer la résilience du secteur », regrette la Confédération internationale des betteraviers européens (CIBE), dans un communiqué de presse du 28 juin. En effet cette demande d’organisation du marché était surtout portée par le Parlement européen par la voix de son rapporteur du règlement OCM, le député Éric Andrieu, qui proposait que le sucre puisse être éligible aux mesures d’intervention publique. Une position appuyée par la France, la Belgique, la Pologne et l’Allemagne, mais combattu par les États membres les plus libéraux en matière d’agriculture.
Obstruction de la Commission
La régulation du marché du sucre était jugée primordiale par les organisations de planteurs européens, mais n’a malheureusement pas été soutenue par les sucriers représentés par le Comité européen des fabricants de sucre (CEFS).
Pourtant les arguments étaient solides, comme l’a démontré la récente crise du marché du sucre, où les prix moyens du marché de l’UE sont tombés jusqu’à 21 % en dessous du seuil de référence de 404,4 €/t. Les prix sont mêmes restés en dessous de ce seuil pendant 39 moins consécutifs, sans qu’aucune mesure exceptionnelle ne soit activée.
« Nous avons soutenu la proposition du Parlement européen et le travail de son négociateur Éric Andrieu pour rendre le sucre éligible à l’intervention publique et nous regrettons l’obstruction persistante de la Commission qui refuse depuis des mois de soutenir notre secteur dans sa pire crise de marché, déclare le président de la CIBE, Franck Sander (également président de la CGB). Notre marché est désormais largement ouvert aux importations, mais c’est le rôle de l’Europe de se doter des outils pour faire face aux déséquilibres du marché les plus graves qui peuvent être destructeurs pour les revenus des agriculteurs et de l’industrie. »
Cependant, la CIBE note avec satisfaction la déclaration commune sur le secteur du sucre de l’UE qui appelle à présenter un « Sugar Package » d’ici la fin de l’année. Cela devrait donner au secteur betterave-sucre les outils nécessaires pour contribuer à long terme aux défis européens concernant la souveraineté alimentaire et le Green Deal. « Nous continuerons à nous engager sur ces questions, y compris la question des doubles standards par rapport au sucre importé », insiste Franck Sander.
Cette question des doubles standards sera une priorité de la présidence française l’année prochaine. Les trois institutions européennes ont d’ailleurs souligné l’importance d’appliquer les normes de production de l’UE aux produits importés, afin de garantir des conditions de concurrence équitables entre les producteurs des pays tiers et ceux de l’Union européenne.