Florent Dujardin était à la recherche d’un nouveau projet pour se diversifier car « il est difficile de s’agrandir », déclare-t-il. L’idée lui est alors venue de planter des vignes sur un petit terrain de 40 ares que sa mère possède sur les hauteurs de la célèbre station estivale de Veules-les-Roses, connue pour être l’un des plus beaux villages de France et réputée pour son fleuve, la Veules, le plus petit fleuve de France, avec ses 1 100 mètres de longueur.
« C’est une parcelle avec du terrain argilo-calcaire, difficile voire impossible à cultiver, caillouteuse à souhait avec des blocs de grès », (une roche sédimentaire dont sont faites les maisons de cette région du bord de mer), explique le jeune agriculteur qui a déjà planté ses pieds de vigne : 800 exactement, espacés tous les 1,20 mètre, en respectant 2, 30 mètres entre les rangs « pour que le soleil pénètre partout sur la parcelle. Celle-ci est bien exposée, d’est en ouest, et elle prend le soleil toute la journée. La météo a changé dans la région. On a plus de chaleur et moins d’eau. C’est bon pour la vigne et nous avons l’avantage d’être au bord de la mer ; nous avons moins de gelées », se réjouit le jeune agriculteur qui s’est rapproché de l’association In Vigno Meritas de Bois-Guillaume, sur le plateau nord de Rouen, qui promeut la culture de la vigne dans la région, avec le Rotary club.
Les vignes de Veules
« La vigne, c’est comme le rosier. Ça pousse partout, pourvu que l’on sache l’entretenir », lui a soufflé le président de l’association de Bois-Guillaume, qui lui a conseillé de planter le cépage Solaris (un hommage au soleil), un cépage de raisins blancs, de cuve allemand, entre le Sauvignon et le Chardonnay, qui donne un raisin précoce et résistant aux maladies. Il est autorisé en Belgique et dans de nombreux Länder en Allemagne, et a été classé définitivement en France en 2017.
Il devrait bien se marier avec les huîtres de Veules-les-Roses, réputées dans la région. Les premières tables de la nouvelle huître ont été implantées sur le littoral cauchois dans les années 2000 et Florent Dujardin, qui a d’ailleurs prévu d’appeler son vin « les vignes de Veules », compte bien sur la notoriété des huîtres de Veules pour promouvoir son vin. Les 800 pieds ont été plantés le week-end de Pâques. L’agriculteur a fait les trous avec une tarière et ses amis ont planté les pieds qui ont été achetés chez un pépiniériste en Belgique.
Des moutons pour désherber !
Depuis, Florent Dujardin a installé des poteaux en bois et une palissade tendue de fils de fer, qui vont servir de support à la vigne.
Avant d’avoir l’autorisation de planter sa vigne, le jeune agriculteur a effectué de nombreuses démarches administratives, d’abord près des Douanes pour enregistrer la parcelle de terre qui a reçu un numéro d’immatriculation au casier viticole informatisé (CVI), de la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de Loire Atlantique et non de la DDTM de Seine-Maritime car, « bizarrement, si on veut planter de la vigne de ce côté-ci de la Normandie, on dépend des Pays de la Loire » , indique le jeune planteur qui n’est pas en manque d’idées. Pour désherber entre les rangs de vigne, il va faire paître des moutons, de temps en temps, en les surveillant !
Pour déguster son vin, il faudra être patient car les premières vendanges sont prévues dans quatre ans, en 2025. L’agriculteur qui va suivre des formations en œnologie et en viticulture a le temps pour mettre en place sa vinification. « J’ai seulement besoin d’un pressoir et de cuves en inox. J’ai de la place à la ferme pour aménager tout cela … », se rassure-t-il, sachant déjà comment il va commercialiser son vin. Il le sera en exclusivité dans l’épicerie fine qu’il est sur le point d’ouvrir avec son épouse Tiphaine dans son village de Sotteville-sur-Mer, où il vient de racheter l’ancienne boucherie. On y trouvera des produits locaux et des colis de viande, car Florent Dujardin a conservé les chambres froides de l’ancienne boucherie !
Le jeune agriculteur de 29 ans s’est installé sur la ferme familiale à Sotteville-sur-Mer en 2018, après le décès de son père. Il cultive 85 hectares de terres en lin, betteraves sucrières, blé, orge, colza et pommes de terre. Le jeune agriculteur travaille en parallèle chez un producteur de pommes de terre de la région en utilisant son propre matériel. « C’est pour moi le moyen d’acheter des matériels agricoles, tracteurs, bennes, pulvérisateur, plus fiables, plus puissants, que je ne pourrais pas amortir sur la seule exploitation agricole », explique le jeune planteur qui déclare que la betterave sucrière est « une culture sûre avec des bons rendements en bord de mer, autour des 100 t/ha ».