Philippe Chalmin, président de l’Observatoire de la formation des prix et des marges (OFPM) des produits alimentaires, a présenté le 10e rapport de cette institution. « C’est un document unique dans le monde », affirme-t-il en présentant ce document. « À Bruxelles, la Commission européenne cherche à se doter d’un tel document ». En France, « l’OFPM porte un regard exhaustif sur la répartition de la valeur ajoutée », s’est félicité Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture. « Le nouveau projet de loi EGalim, présenté à la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale s’est inspiré des travaux de l’OFPM ».
Mais année après année, le constat est le même. Le prix des matières premières agricoles pèse toujours aussi peu dans la composition du prix des produits alimentaires consommés. Il n’autorise même pas une rémunération décente. 6,5 %, c’est par exemple la part du prix de la farine dans le coût de production d’un kilogramme de pain, en l’occurrence de baguettes, vendu en moyenne 3,54 €. « 87,8 % de ce même prix est pour la marge en aval de la meunerie, assurant la transformation et la distribution », ajoute le rapport de l’OFPM. Pour les pâtes, (1,35 €/kg), le blé dur représente 30 % du prix de vente (+ 4,7 points en un an). En amont, le produit d’une tonne de blé tendre (aide + prix de vente) était de 204 € et la marge nette de 11 € en moyenne (85 €/ha). Chaque tonne aurait en effet coûté 193 € à produire. Mais pour calculer ce coût moyen, l’OFPM a estimé qu’un céréalier ne se contente d’une rémunération que de 1,1 smic net !
La marge nette sert à payer les impôts sur le revenu et à autofinancer une partie du renouvellement du capital de l’exploitation. En 2019, elle était de 7 € par tonne de blé selon l’OFPM, soit à peine 60 € par hectare. Au niveau national, le rendement moyen était alors de 8,6 t/ha. L’an passé, la perte de rendement de 0,8 t/ha (moyenne nationale) a généré une hausse de 15 €/t du coût de production de chaque tonne produite, les charges par hectare étant restées inchangées (1 500 €/ha).
Cette hausse intègre les surcoûts induits par les modifications d’assolement apportées par les agriculteurs durant l’automne 2019, pour implanter des céréales d’hiver. Mais l’OFPM souligne que l’augmentation des cours du blé pendant la campagne 2020-2021 a permis de vendre chaque tonne de blé 17 € de plus qu’en 2019, et de compenser ainsi une partie des surcoûts supportés durant la période d’implantation.
Aussi, « le produit total (blé et autres produits de l’exploitation dont subventions) serait en augmentation de 19 € par tonne par rapport à 2019 ; il passerait de 185 € à 204 € par tonne de blé produite », explique l’OFPM. À l’échelle des exploitations, chaque situation est cependant particulière. Tous les agriculteurs n’ont pas saisi les mêmes opportunités pour vendre leurs grains.
Un cas d’école
L’Office de la formation des prix et des marges ne s’est pas épanché sur le coût de production du blé dur, l’ingrédient de base de la fabrication de pâtes. Cependant, la céréale est un cas d’école sur la façon dont une filière agroalimentaire absorbe la forte hausse du prix d’une matière première.
Dans un premier temps, l’industrie contracte sa marge tandis que la distribution la préserve. Dans notre exemple, elle a diminué de 4,7 points, passant de 55,7 % du prix de vente de 2019 à 51 % l’année suivante.
Si l’augmentation du prix devient structurelle, la grande distribution répercutera, au moins partiellement, la hausse de la matière première dans son prix de vente pour préserver sa marge et, surtout, pour permettre à l’industriel de restaurer en partie la sienne….Aux dépens du consommateur.