« Le marché du lin se porte bien », affirme Jean-Luc Decock, co-directeur de l’entreprise Jean Decock, rebaptisée cette année Le Lin Français-Jean Decock. Les surfaces en lin ont augmenté de 130 % en 10 ans. « Et selon nos clients, cette croissance devrait se poursuivre ». Les Indiens et les Chinois ne sont plus seulement des filateurs, mais aussi des consommateurs.
L’entreprise familiale Jean Decock, créée en 1957 dans le Nord, accompagne cette évolution. Après avoir élargi son périmètre d’action en Normandie et dans le Pas-de-Calais, elle s’est installée dans l’Aisne en 1983. Aujourd’hui, elle y travaille avec 70 liniculteurs axonnais (environ 1 500 ha, essentiellement près de Laon et de Soissons).
Son site de teillage situé dans le Nord à Quaëdypre, comme le siège social, transforme 20 000 tonnes de paille de lin, soit 4 000 t de fibres teillées. Il ne suffisait plus pour travailler les 6 000 ha de lin récolté dans les quatre zones de production.
Doublement de la capacité de transformation
Les dirigeants ont choisi de doubler leur capacité de production en créant un nouveau site à Barenton-Bugny (Aisne). Les deux lignes de teillage, mises en route en février, peuvent transformer 3 000 à 3 500 ha de lin, en provenance de l’Aisne et de la Normandie. Les salariés travaillent actuellement en deux équipes et devraient progressivement passer en trois équipes. Tout est prévu pour installer une troisième ligne, voire une quatrième, dès que le marché le permettra.
Aujourd’hui, l’entreprise axonnaise emploie 24 personnes, avec une moyenne d’âge de 31 ans. Chaque salarié a été formé pendant un an sur le site de Quaëdypre. L’effectif devrait atteindre 40 personnes d’ici 5 ans. « Le lin, seule fibre textile européenne, représente 0,4 % de tout le textile mondial. Il devrait passer à 1 %. Nous avons de la marge » s’enthousiasme Quentin, le fils de Jean-Luc, troisième génération aux manettes, qui prend la direction du site de l’Aisne.
Avec cette création, la région des Hauts-de-France arrive à 13 usines de teillage et la France à 24.
L’investissement de 16 M€ a bénéficié d’une aide régionale de 200 000 € et d’une aide de l’état du même montant. L’usine s’étale sur 7,5 ha dont 1,3 ha construit. Le chiffre d’affaires de Lin Français-Jean Decock est de 30 M € (en 2019) et s’appuie sur la récolte et le teillage du lin, mais aussi sur le stockage, le transport, la logistique et la location de bâtiments industriels et de bureaux. Elle emploie 65 salariés.
L’entreprise fournit les semences à ses partenaires agriculteurs. Elle réalise l’arrachage, le retournage et la récolte, avec 100 machines, soit le plus grand parc au niveau national dédié au lin.
Le teillage : un processus mécanique
Le teillage se décompose en quatre étapes : l’égrenage, l’étirage, le broyage et le battage. Arrivées à l’usine, les balles de pailles sont déroulées et étalées sous forme d’une nappe régulière. La chaîne s’étale sur 130 mètres de long, dont 70 m de teillage. Les tiges passent dans un égaliseur pour être parallélisées. Les graines de lin sont récupérées grâce à un peigne. Lors de l’étirage, l’épaisseur de la nappe diminue progressivement en passant entre une série de disques dentés. Les pailles sont ensuite broyées par des cylindres cannelés. Les fragments de bois au centre des pailles, appelés anas, sont récupérés par aspiration.
Lors de l’écangage, les fibres sont nettoyées par des tambours, munis de lames de faible épaisseur. Elles frottent les fibres à une vitesse proche de 200 tours/min. Les fibres courtes (ou étoupes), sont évacuées par aspiration. Le réglage s’avère capital pour nettoyer suffisamment les fibres, sans les abîmer. Elles seront nettoyées sur un secoueur pour retirer les derniers anas. En bout de ligne, les fibres longues sortent et sont alors conditionnées en balles d’environ 100 kg.
Zéro déchet
Un hectare de lin produit en moyenne entre 1 200 et 1 400 kg de lin teillé.
Le teillage a séparé les pailles de lin en fibres longues. Elles constituent 15 à 25 % du poids brut. Elles sont utilisées dans le textile principalement et, depuis peu, dans des matériaux composites pour l’industrie (automobile, aéronautique, construction, etc.)
Les fibres courtes (7 à 10 % du poids) partent en papeterie. Les anas (45 à 50% du poids) sont valorisés sous forme de paillettes de bois pour le jardinage, les litières animales, l’aggloméré, le combustible pour chaufferie industrielle … Les graines (5 à 10% du poids) servent pour les semences ou l’huilerie non alimentaire. Enfin les freintes et les poussières (15 à 20% du poids) retournent à la terre comme amendement organique. Le lin est bien une plante zéro déchet !