Leader de la pulvérisation pour l’agriculture et l’industrie, ainsi que sur le marché des arracheuses de betteraves, le groupe multimarques français Exel Industries enregistre un chiffre d’affaires en hausse de 22,6 % pour le premier semestre, atteignant 385,2M€. Son nouveau centre de recherche et développement, Exxact Robotics, travaille sur des innovations en matière de pulvérisation ultra-localisée et sur les arracheuses connectées. Mais le groupe va aussi rénover des automotrices Matrot et Moreau pour les planteurs souhaitant réduire leurs coûts.
Quelle est la place de l’agroéquipement chez Exel Industries ?
L’agroéquipement pèse 60 % du chiffre d’affaires du groupe, les 40 % restant proviennent des activités de jardin et de pulvérisation industrielle. Le chiffre d’affaires 2020 était de 750 M€.
Le groupe Exel s’est construit autour de la pulvérisation agricole, et il est arrivé dans la betterave par le rachat des pulvérisateurs Matrot en 2001. 45 % du chiffre d’affaires est réalisé par la pulvérisation agricole et 15 % par Holmer, qui vend entre 100 et 200 machines par an.
Pourquoi lancez-vous une offre de “rénovation“ pour les automotrices ?
Cette offre répond à deux nécessités : proposer du matériel pas cher, alors que la conjoncture est difficile pour les betteraviers, et répondre aux objectifs du Green Deal européen en matière d’économie circulaire et de recyclage. Les trois marques – Matrot, Moreau et Herriau – ont disparu de notre catalogue, mais il subsiste un parc d’environ 300 à 500 machines en France. Nous disposons d’un stock de pièces de rechange et nos équipes connaissent ce matériel. Nous allons donc proposer une offre “rénovation“ pour ces automotrices. Elles seront reconditionnées dans notre atelier de Noyelles-sur-Escaut dans le Nord, pour retrouver une seconde vie chez des agriculteurs qui travaillent dans des conditions de sol assez faciles, avec des coûts d’arrachage inférieurs. Cette offre concerne soit du matériel que nous avons en stock, soit les automotrices qui appartiennent à des betteraviers. Nous allons aussi proposer du matériel à la location pour ceux qui hésitent à s’engager dans la culture de la betterave. Nous aurons deux machines prêtes pour le début de cette campagne : une Lectra et une M 41.
J’ai vu que vous rénoviez aussi de très vieux pulvérisateurs…
Le groupe Exel a entrepris de sauvegarder son patrimoine en créant une équipe dédiée à la restauration d’anciens pulvérisateurs, dont certains datent du 19e siècle. Ce que fait Cyril Ballu, le petit-fils du fondateur, est magnifique. Certaines pièces seront visibles à l’automne prochain lors d’une exposition au Conservatoire de l’agriculture de Chartres.
Faut-il encore fabriquer des pulvérisateurs quand les traitements chimiques sont de plus en plus remis en cause, et que plusieurs constructeurs s’intéressent au désherbage mécanique ?
Le désherbage mécanique est une alternative à la baisse des produits phytosanitaires, mais en tant que “spray-liner“, Exel doit montrer la voie via l’innovation dans la pulvérisation agricole et se concentrer sur la diminution des doses de produits appliquées. C’est une réponse au souhait de polluer moins, tout en préservant les rendements. Et puis, notre technologie sera aussi utilisée pour les fongicides, les insecticides et l’azote liquide.
Comment voyez-vous la pulvérisation du futur ?
Exel investit fortement dans la montée en puissance d’Exxact Robotics, l’activité de mutualisation des moyens de recherche et de développement pour aboutir rapidement dans la pulvérisation ultra-localisée. Exxact Robotics fonctionne comme une start-up avec une vingtaine de chercheurs basés à Épernay. Elle apporte des solutions pour l’ensemble du groupe Exel. Mais elle développe des partenariats. Berthoud vient par exemple de lancer sa technologie Sniper développée en partenariat avec la start-up Carbon Bee. Ce dispositif promet de réelles économies de produits phytosanitaires, entre – 30 à 80 % selon les usages. Grâce à Exxact Robotics, Exel a été primé le 8 juin dernier par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) comme troisième entreptrise de taille intermédiaire (ETI) française en matière de dépôt de brevets, avec 29 demandes de brevets publiées. Nous sommesdans le top 50, toutes entreprises confondues. L’Innovation est dans l’ADN d’Exel Industries. Son propriétaire, Patrick Ballu, est un inventeur à l’origine !
Comment ces brevets se concrétisent-ils pour les arracheuses de betteraves ?
Par des innovations largement commercialisées par Holmer. On peut citer EasyLift, un système de détection de hauteur et du temps de passage sur la betterave permettant d’ajuster la profondeur d’arrachage des socs ; le système VarioPick pour le réglage individuel de la puissance de nettoyage sur le Terra Fellis, mais aussi l’angle d’inclinaison du pick-up pour un meilleur compromis entre consommation et nettoyage. Ou encore DynaFill qui permet, grâce à un laser sur le bras de chargement, de garantir que les véhicules de transport sont constamment chargés de façon optimale.
À quoi ressemblera l’arracheuse de demain ?
Ce sera une arracheuse connectée à la sucrerie. L’industriel connaîtra en temps réel l’évolution de la récolte (rendement, richesse, tare terre, présence de pourritures) avant la réception. La sucrerie (entrée dans l’ère du 4.0) pourra alors adapter ses réglages en fonction des lots de betteraves. Ce sera une révolution pour gérer la cour à betteraves et le lavoir. Les capacités d’analyses embarquées sur les arracheuses Holmer permettront au sucrier de mieux piloter la diffusion et l’évaporation et ainsi de faire des économies d’énergie significatives. L’évaluation de la qualité à la récolte par les arracheuses de betteraves est une technique d’avenir pour concurrencer la canne à sucre.
Plusieurs groupes sucriers ont publié leurs résultats. Quel commentaire pouvez-vous faire en tant qu’ancien directeur général Europe de Tereos ?
Je pense que la structuration des sucreries françaises est quasi optimale au niveau géographique. Aujourd’hui, il est difficile de fermer une usine ; l’objectif est de générer du cash et d’intéresser les planteurs à la culture de la betterave. Cristal Union semble avoir digéré la période post quota et ses résultats sont bons, bien que le groupe ait été touché par des fortes baisses de rendement. En revanche, le travail chez Tereos n’est pas encore abouti. Il faut que son Ebitda puisse absorber les investissements et les frais financiers. Et quand on ne peut pas augmenter l’Ebitda par les ventes, il faut travailler sur les frais fixes et les dépenses d’investissement. Tereos est diversifié, mais ses activités ne sont pas assez profitables. Le deuxième problème est la charge de sa dette. L’allemand Südzucker est aussi diversifié, mais ses activités de diversification sont beaucoup plus profitables. Nordzucker, qui n’est pas diversifié, a aussi des bons résultats, mais il est positionné sur la Scandinavie. C’est son Eldorado. Il n’y a donc pas qu’un seul modèle pour réussir. Tous les sucriers ont cependant un grand défi : la décarbonation des usines, qui est une véritable bombe à retardement. Les quotas de CO2 se négocient aujourd’hui à 50 € t/t, alors que je les ai connus à 5 €/t il n’y a pas si longtemps. Le process sucrier est énergivore. Or, on ne lutte pas à armes égales avec la canne à sucre, qui dispose d’une énergie quasiment gratuite avec la bagasse.
Quelle est votre vision de la filière betterave-sucre aujourd’hui ?
Les prix européens restent malheureusement très bas, à un niveau de 380 à 390 €/t départ usine. C’est moins que le prix de référence qui existait à l’époque des quotas. Mais je note que les producteurs de sucre ont tous annoncé un fort soutien au prix de la betterave. Alors qu’on avait des prix de betterave de 20 à 25 € les deux dernières années, les sucriers ont annoncé des prix autour de 25 à 30 €/t. C’est un élément très positif pour notre activité d’arrachage de betteraves. Il faudrait, à terme, arriver à un meilleur équilibre entre les prix européens et les prix à l’export sur le marché mondial.
Quels sont vos relais de croissance pour le matériel betteravier ?
Nous regardons les marchés en croissance. L’Égypte prévoit de transférer des surfaces de canne vers la betterave, avec des investissements gigantesques réalisés par Canal Sugar pour construire la plus grande sucrerie de betterave du monde, d’une capacité de 36 000 t/j. Les Égyptiens prévoient des surfaces de betteraves équivalentes à la France, soit près de 400 000 ha en 2030, contre 250 000 ha actuellement. Or, 90 % des betteraves sont arrachées à la main. C’est un très grand marché et nous sommes partenaires avec cette société pour la récolte. Il y a d’autres grands pays betteraviers, comme la Turquie qui est faiblement mécanisée ; et les États-Unis qui arrachent les betteraves avec du matériel décomposé low cost mais dont la qualité de récolte est insuffisante. L’autre relais de croissance est le Terra Variant, un matériel d’épandage automoteur idéal pour enfouir le lisier (ce sera obligatoire en 2025) et pour épandre les digestats issus de la méthanisation agricole.
Propos recueillis par François-Xavier Duquenne
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L’évaluation de la qualité à la récolte par les arracheuses de betteraves est une technique d’avenir pour concurrencer la canne à sucre.
Holmer va proposer une offre de rénovation pour les automotrices.