De nombreux producteurs d’oléoprotéagineux ont subi des dégâts considérables avec l’épisode de gel, qui va réduire la surface à récolter et les rendements. Déjà, début avril, Agreste avait revu la surface en production à 990 000 ha, au lieu d’1 Mha en début de campagne. L’Institut Terres Inovia prévoyait plutôt 950 000 ha, 50 000 ha ayant été « retournés » pour des raisons diverses depuis le début de la campagne. Avec environ 100 000 ha plus ou moins touchés par le gel, la sole pourrait donc tomber à 850 000 ha.
Certes, il s’agit là de prévisions pessimistes, qui nécessitent encore confirmation. Mais si l’on compare cette surface à celle de 2018, c’est presque la moitié de la production française de colza qui est rayée de la carte en deux ans ! Au moment où l’État français s’intéresse à la souveraineté en protéines de la France, c’est plutôt un boulevard pour les importations qui se profile, en soja, colza, tourteau, huiles ou biodiesel.
L’épisode de gel en France tombe juste au moment où les cours repartent à la hausse après un mois d’accalmie. Pour la récolte de colza 2020, le marché physique FOB Moselle affiche ainsi, le 20 avril, 535 €/t, le rendu Rouen est à 528 €/t, et l’échéance de mai sur Euronext affiche près de 550 €/t, des chiffres battant ainsi tous les records. Mais c’est aussi la récolte de 2021 sur les marchés à terme qui grimpe le plus fortement, passant de 460 €/t à 493 €/t, et qui devrait franchir la barre des 500 €/t sous peu. Des cours très élevés pour un début de campagne, et bien supérieurs à ceux des dernières années.
Cette flambée des prix du colza s’observe aussi pour le soja et le canola. À Chicago, le 20 avril, la tonne de soja se traitait à 540 $/t, là encore un niveau historique. Les analystes expliquent cette hausse par la très forte activité de trituration aux États-Unis, alors que les stocks restent au plus bas.
En Amérique du Sud, la récolte en Argentine, qui vient de débuter, se profile mal, le volume de production prévu s’affichant à 47 Mt, les pluies abondantes gênant considérablement les travaux. À l’inverse, le Brésil devrait produire 136 Mt, soit 2 Mt de plus que prévu jusqu’alors. Mais la qualité ne serait pas forcément au rendez-vous et les exportations sont moins vigoureuses qu’attendu. La Chine, qui est le premier acheteur au Brésil, cherche à réduire sa dépendance au soja via un plan de modification de l’alimentation animale. Mais l’équilibre entre la demande et l’offre mondiale reste tout de même tendu, et les cours des plantes à huile vont probablement rester élevés pendant plusieurs mois.