L’économie circulaire consiste à produire des biens de manière durable en limitant le gaspillage des ressources et la production de déchets. C’est ce à quoi se destinent Delphine et Didier Cousin, âgés de 45 ans, installés à Maniquerville, une petite commune située près de Fécamp, en Seine-Maritime, en produisant de l’énergie verte à partir des produits de la ferme.
Voilà bientôt 13 ans que Delphine Cousin a repris la dernière exploitation agricole de Maniquerville « la ferme normande » à la suite de la famille Loisel, présente depuis plusieurs générations. Elle et son mari se sont lancés dans un important projet de méthanisation pour un investissement de près de 4 millions d’euros, dont 800 000 € de subventions du Fonds européen de développement régional (Feder) et de l’agence de développement de Normandie. Le solde est constitué d’un prêt bancaire amortissable sur 12 ans. Les agriculteurs ont un contrat de fourniture de gaz avec Engie pour 15 ans, qui leur assure un prix garanti.
Depuis 5 ans, le couple songeait à construire un méthaniseur pour pérenniser l’exploitation agricole et valoriser les déchets de la ferme, notamment le fumier généré par l’élevage de vaches allaitantes, de taurillons, de moutons et des cultures intermédiaires.
Delphine et Didier Cousin sont producteurs de viande bovine et d’agneaux, de céréales, de betteraves sucrières et de lin. Ils sont engagés depuis le début dans une démarche agricole locale.
Valoriser les matières organiques
Créer une filière de valorisation des matières organiques de son exploitation et du territoire, en produisant de l’énergie renouvelable, dans ce cas du gaz directement acheminé sur le réseau de gaz de GRDF, qui passe au pied de la ferme, et un fertilisant organique pour ses terres. C’était l’objectif de l’agricultrice ; elle y est arrivée à force de ténacité et de courage, car le projet a été lancé en pleine épidémie de la Covid-19, rendant les démarches administratives difficiles.
Le projet s’est également heurté à une association de riverains protestant contre les nuisances visuelles et olfactives que provoquerait l’installation. Delphine Cousin assure qu’il est mené de façon responsable. « Les nuisances existent déjà au quotidien avec le fumier des animaux. Le but est d’arriver à les maîtriser. On n’aura plus de tas de fumier au bout des champs. Il sera stocké dans le méthaniseur. Moins d’odeurs, moins de risques sanitaires » , déclare l’agricultrice qui précise que l’exploitation se trouve sur la zone de captage d’eau potable d’Yport, laquelle alimente la ville du Havre. Elle ajoute qu’elle a conduit son projet avec le concours de la Renaissance organique énergie (ROE), en partenariat avec l’Inrae-GRDF pour la méthanisation agricole.
Le raccordement au réseau de gaz de France est annoncé pour le mois de juillet.
« Il est prévu de produire l’équivalent de la consommation en gaz naturel de 2 400 habitants et de fertiliser naturellement 100 % de nos cultures pour préserver la qualité de l’eau et de la terre », indique Delphine Cousin. Le digestat va servir à amender les terres agricoles de l’exploitation.
Fini les engrais
Fini les engrais chimiques pour fertiliser les sols. « Nous étions déjà dans une démarche respectueuse de l’environnement en limitant les intrants, en développant les intercultures, en procédant au désherbage mécanique des betteraves à sucre et en ensilant les pourtours des champs pour les animaux. Avec la méthanisation, nous allons passer au 100 % bio sur la ferme. C’est dans la continuité de notre démarche environnementale », souligne Delphine Cousin.
Le chantier est important. Des talus sont reconstitués et des arbres plantés pour réformer un clos masure. Le méthaniseur de 4 000 m3 va avaler 30 t/j soit 10 000 tonnes par an de matières organiques, des résidus de culture, de la pulpe de betteraves de la sucrerie Cristal Union de Fontaine-le-Dun, de l’amidon de blé de chez Tereos, et des cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive), seigle, radis fourragers, tournesol et de la silphie, une plante pérenne originaire d’Amérique du Nord, culture écologique peu gourmande en eau et en intrants, qui ressemble au tournesol, récoltée depuis deux ans par les agriculteurs et cultivée sur 5 hectares.
Le méthaniseur est enterré à 6 mètres de profondeur afin de conserver le maximum de chaleur essentielle au bon développement du processus de fermentation.
Les déchets stockés dans deux pré-fosses sont placés dans le méthaniseur où les micro-organismes produisent du gaz grâce au processus de fermentation. L’unité va produire dès le mois de juillet du gaz d’une puissance de 135 Nm3/ heure. Le gaz filtré par un épurateur sera injecté directement dans le réseau de GRDF.
C’est ensuite la phase finale de récupération du digestat, résidu du processus de méthanisation des matières organiques naturelles utilisé comme fertilisant. Il contribue au retour au sol des matières organiques promu par l’économie circulaire. La boucle est bouclée.