D’un côté, la cession permet la continuation du bail au profit du conjoint ou d’un descendant du preneur. De l’autre, le bail s’arrête, le plus souvent afin de permettre la reprise de l’exploitation par le bailleur, son conjoint ou l’un de ses descendants. Quelles sont les caractéristiques de chacune des opérations ? L’une est-elle plus exigeante ? Offre-t-elle plus de chance au futur exploitant ? Explications.
La cession du bail
Le preneur peut céder le bail à son conjoint ou à un descendant. Dans ce cas, le bail se poursuit dans les mêmes termes : durée, loyer, obligations du preneur comme du bailleur.
Si le bénéficiaire de la cession doit obtenir une autorisation d’exploiter, la cession ne sera considérée comme valable que si cette autorisation est obtenue et autorisée au préalable par le bailleur. À défaut, elle peut être donnée par le tribunal paritaire des baux ruraux. Sans autorisation, la cession prohibée peut être sanctionnée par la résiliation du bail initial.
Le juge, pour se prononcer sur la cession, doit rechercher si elle ne nuit pas aux intérêts du bailleur. Il se fonde sur deux critères : la bonne foi du cédant et la bonne mise en valeur de l’exploitation. Les projets, la situation personnelle du bailleur ou la taille de l’exploitation du preneur n’ont pas à entrer en considération. Le futur preneur doit pouvoir assurer une bonne exploitation du fonds (grâce à ses aptitudes professionnelles, à ses moyens d’exploitation…). Et le fermier cédant ne doit pas avoir commis de manquements aux obligations du bail (comme des manquements à ses obligations d’entretien ou des retards répétés dans le paiement des fermages). Si ces deux conditions sont réunies, alors la cession est accordée.
La reprise, un droit très encadré
Le droit de reprise est exercé par le bailleur : il peut faire obstacle au renouvellement du bail, pour un des motifs prévus par le code rural (comme le congé pour âge ou l’exploitation personnelle). Cette reprise doit être exercée par la délivrance d’un congé au preneur. Quand elle a pour motif l’exploitation, le bailleur peut exercer cette reprise au bénéfice de son descendant.
Comme pour la cession, le prétendant à l’exploitation doit être majeur ou émancipé et il doit être en règle avec le contrôle des structures à la date d’effet de la reprise. Le bénéficiaire a par ailleurs une obligation de poursuite personnelle de l’exploitation pendant neuf ans.
Le congé peut être contesté par le preneur, dans un délai de 4 mois à compter de sa réception. Le tribunal doit alors apprécier si le bénéficiaire de la reprise répond aux conditions qui lui sont posées : capacité professionnelle, exploitation personnelle et effective.
Cession ou reprise, quelle opération a le plus de chance d’aboutir ?
Tout dépend de la motivation du congé. Imaginons un congé fondé sur l’âge du preneur, contesté par ce dernier, lequel demande en sus au tribunal une cession de bail au profit de son fils. De son côté, le bailleur fait valoir l’intérêt qu’il a à récupérer ses terres, puisqu’il compte installer prochainement son fils sur les terres, objet du congé. L’autorisation de la cession doit être donnée au regard des intérêts légitimes du bailleur. Mais ses intérêts ne doivent être appréciés qu’en fonction du comportement du preneur et des qualités du cessionnaire. Les projets personnels du bailleur ne doivent pas être pris en compte par le tribunal. Il s’agit là de la « faveur » accordée au preneur de bonne foi. C’est ce qu’a rappelé à plusieurs reprises la Cour de cassation (Cass. Civ 3, 17 octobre 1979 n°78-11822, ou encore Cass. Civ 3, 13 décembre 2000 n°98-22276).
En revanche, la Cour a aussi jugé qu’une demande d’autorisation de cession ne fait pas obstacle à l’exercice du droit de reprise. Il s’agissait cette fois d’un congé pour reprise (et non en raison de l’âge du preneur), contesté par le preneur qui demandait l’autorisation de cession du bail. Toutes les conditions à la cession étaient réunies. Mais elle a été refusée, au motif que le bailleur réunissait quant à lui les conditions propres à la reprise des terres (Cass. Civ 3 13 juin 1984 n°82-16251).
Ainsi, quelles que soient les décisions rendues, les intérêts des parties ne doivent pas être mis en concurrence : les conditions propres à chaque opération sont appréciées distinctement.
- La reprise du bail est prévue aux articles L. 411-58 et 59 du code rural.
- La cession du bail dans le cadre familial est prévue à l’article L 411-35 du code rural. À noter que la cession du bail hors cadre familial répond à d’autres conditions et est prévue aux articles L. 418-1 et suivants du code rural.