Imaginez la scène : un jour du mois de janvier, vous vous promenez tranquillement dans le parc de la « vallée aux loups » qui entoure le château de Chateaubriand, à Chatenay-Malabry (Hauts-de-Seine). Vous êtes plongé dans vos pensées : c’est ici que l’écrivain a assemblé ses « mémoires d’outre-tombe ». Comment ne pas songer à ses voyages, à ses combats politiques, à son insatiable curiosité, à ses amours malheureuses ? Soudain des criailleries vous font sursauter. La sonorité n’est pas familière. Il ne s’agit ni d’une corneille, ni d’un geai, ni d’une pie. Vous levez la tête et observez les rameaux décharnés tendus vers le ciel. Sur cette masse brune se découpe une tache d’un vert éclatant. Un drôle d’oiseau, acrobate, se pend par les pattes et, la tête en bas, grappille des amorces de bourgeons. Aucun risque de confusion ! C’est une perruche à collier, celle-là même que l’on vend à Paris dans les animaleries des quais ou au marché aux oiseaux de l’île Saint-Louis.
Elle fait partie des espèces « invasives », celles qui, échappées d’élevages ou de cages, se sont habituées à notre environnement.
Originaires d’Asie et d’Afrique, ces perruches ont été relâchées, par accident, dans les années soixante-dix. Importées par avion pour être vendues dans les animaleries françaises, elles se sont échappées des cages à l’aéroport d’Orly. Depuis, leur nombre ne cesse de croître. On en compterait aujourd’hui entre 7 000 et 8 000 en France. Outre la région parisienne, d’autres foyers ont été signalés à Marseille, Toulouse, Roubaix et Nancy. À l’étranger, la situation est identique. Londres en compterait ainsi plus de 30 000 et elles seraient plus de 12 000 dans les parcs de Bruxelles. L’oiseau n’étant pas migrateur, ce sont des perruches échappées de cages – ou relâchées – qui sont à l’origine de la colonisation.
Alors qu’on aurait pu s’attendre à voir cette espèce exotique dépérir dès les premières gelées, il n’en a rien été. Une nourriture appropriée, des hivers plus cléments, et la présence, dans les parcs, de nombreux platanes, abris idéaux pour ces cavernicoles, expliquerait le phénomène.
Elle fait bon ménage avec les passereaux
Cette perruche menace-t-elle nos espèces autochtones ? Est-elle une nuisance pour les vergers et les cultures ? On en débat. Si, en Israël, elles dévastent les champs de tournesol et en Inde, les champs de pavot, on ne les voit pas, en France, s’abattre sur les cultures. Et en ville, elle fait bon ménage avec les passereaux.
C’est ce que montre l’étude publiée par l’Université de Paris-Saclay, avec le Muséum d’histoire naturelle : la perruche à collier ne serait pas plus nuisible que d’autres oiseaux de taille équivalente comme la pie. Les rouges-gorges et les mésanges ne s’en effraient pas et continuent à fréquenter les mangeoires.
L’union fait la force. Dans le nord du pays, Roubaix abrite un dortoir de 3 000 oiseaux.
Comme la tourterelle turque, la perruche ne craint pas l’homme et folâtre volontiers à ses côtés. Précoce, elle se reproduit dès la fin de l’hiver et peut élever avec succès 2 ou 3 jeunes. Toutes les conditions sont donc réunies pour qu’elle s’impose.
De vrais nuisibles
Si la perruche à collier ne semble pas – hors ses criailleries – représenter une nuisance, il n’en va pas de même d’autres espèces importées. L’écrevisse de Louisiane est un véritable fléau. Échappée d’élevages dans les années soixante-dix, c’est un char d’assaut. Elle peut vivre dans un milieu pollué et survivre quatre jours en dehors de l’eau. Capable de traverser les routes, elle peut parcourir plusieurs kilomètres pour coloniser de nouveaux territoires. Elle a décimé notre écrevisse à pattes blanches, ravage l’écosystème et mine les berges.
La tortue de Floride – celle que les parents relâchent sur les plans d’eau quand les enfants n’en veulent plus – a aussi explosé un peu partout, au détriment de notre cistude nationale.
Le ragondin et le rat musqué – l’un venu d’Amérique du Sud, l’autre du Canada – sont aujourd’hui en expansion incontrôlable. Le rat musqué s’attaque à la végétation aquatique. Le ragondin aussi mais, en plus, il ravage les berges.
Oiseau d’ornement, la grande bernache du Canada a quitté les parcs pour coloniser le pays. La population française est estimée à plus de 10 000 oiseaux avec une population nicheuse d’environ 1 700 couples. L’espèce est particulièrement abondante en régions Île-de-France et Centre – Val de Loire, dans le département de l’Allier et dans les départements du nord-est de la France, les Ardennes, le Nord, la Moselle et le Bas-Rhin.
Dégradation des pelouses, excréments abondants sur les espaces verts, dégâts sur les cultures : l’oiseau inquiète d’autant plus qu’il prolifère. Chassable, il peut aussi faire l’objet de destructions sur autorisation individuelle, entre la fermeture et le 31 mars.