L’envie de semer était grande, avec les bonnes conditions météorologiques des premiers jours de mars. Mais les semences se faisaient souvent attendre. La pression était donc forte sur les semenciers pour livrer au plus vite les graines tant espérées.
Quelques semis précoces ont quand même pu débuter un peu partout : au sud de Paris, dans les terres sableuses de l’Aisne, et même dans la région de Dunkerque.
Les enrobages de semences ont pris environ 10 jours de retard, suite à la publication de l’arrêté autorisant les traitements de semences à base de néonicotinoïdes.
« Le 3 mars, les semenciers avaient livré plus de la moitié des volumes aux sucreries et à C-S2B. Les dernières livraisons chez les planteurs vont courir jusqu’au 20 mars », estime Benoît Carton, directeur de C-S2B.
Certains planteurs comme Éric Delorme, à Chaussy (Loiret), avaient reçu leurs semences à temps pour débuter les semis le 3 mars. Une date assez précoce, gage d’un bon potentiel de rendement. Il espère en tout cas faire mieux que l’année dernière (35 t/ha), puisqu’il a bien entendu choisi des semences traitées aux néonicotinoïdes, comme la grande majorité de ses collègues.
90 % de semences traitées aux NNI
« L’arrêté a été connu le 6 février, les dernières commandes sont arrivées le 12… Et le 15 février, les clients nous demandaient : quand est-ce que nous sommes livrés ? », résume un semencier.
Pour être dans les temps, les semenciers ont souvent pris le risque d’anticiper les traitements. Car dans 90 % des cas, les planteurs ont opté pour des semences traitées NNI. Mais les semenciers avaient peu de marge de manœuvre cette année, à cause de stocks de semences très faibles, suite à une très mauvaise production dans le sud-ouest de la France. Il n’était donc pas question de prendre le risque de traiter trop de semences aux NNI, qui auraient pu être détruites en cas d’avis négatif des autorités.
Et l’incertitude n’a pas été que française ! L’Allemagne a décidé de ne pas exporter de semences traitées et la Grande-Bretagne a interdit en dernière minute les néonicotinoïdes. Les semenciers n’ont jamais vécu une saison aussi stressante.
La décision allemande a notamment mis en difficulté les semenciers qui traitent traditionnellement dans ce pays : KWS, Betaseed et Deleplanque.
« Sachant que l’Allemagne interdisait les traitements aux néonicotinoïdes pour le marché à l’exportation, nous avons démonté notre unité en Allemagne pour l’installer en Alsace », explique Laurent Boiroux, directeur de la Business Unit betteraves du groupe Strube.
Les semences ont donc effectué un périple kafkaïen à travers l’Europe : produites en Italie ou dans le sud de la France, elles ont été envoyées en Allemagne pour l’enrobage, sont retournées en France pour recevoir le traitement, ont repris le chemin de l’Allemagne pour être conditionnées et réexpédiées en France chez les distributeurs. « Cela représente un défi logistique énorme et une augmentation des coûts significative », regrette Laurent Boiroux.
Tout ce travail a dû être réalisé dans un temps record. « Normalement, nous traitons du 15 novembre au 15 février », note Bruno Dequiedt, directeur général de SESVanderHave France. « Cette année, il a fallu restructurer complètement la logistique, retarder le pelliculage pour le marché français et anticiper sur d’autres pays. Après avoir traité les semences, il y a encore une série de tests qualitatifs qui prennent une semaine. D’habitude, nous avons terminé les livraisons fin février. Nous sommes 9 mars, et il nous reste un tiers des semences à livrer ».
Pour arriver à temps, Rémi Henguelle, directeur marketing de Florimond Desprez, avait fait le pari d’anticiper le pelliculage dès le 18 janvier. « Le jour de la signature de l’arrêté, 55 % des semences étaient déjà enrobées », révèle-t-il aujourd’hui.
Ces efforts ont payé puisque toutes les graines devraient être livrées pour le 20 mars. Si la majorité des betteraviers sème entre le 15 mars et le 25 mars dans de bonnes conditions, cette péripétie pourrait être finalement vite oubliée.
Les semis 2021 ont démarré assez rapidement au début du mois de mars, puisque 10 % de la surface betteravière française était déjà semée le 10 mars, selon l’Association de recherche technique betteravière (ARTB). Les travaux sont donc en avance d’une semaine par rapport à la date moyenne des cinq dernières années. Les régions les plus avancées sont le sud de Paris où la moitié des surfaces étaient déjà semées, la Seine-et-Marne (30 %), l’Yonne (20 %), l’Oise (15 %) et l’Aisne (10 %).