L’année 2020 a été marquée par des conditions climatiques particulières, avec un temps printanier et estival particulièrement sec, et un retour des pluies tardif qui a pu impacter les niveaux de richesse.
Des conditions climatiques particulières en 2020
Le niveau de précipitations de l’année 2020, faible, voire très faible dans certaines régions betteravières, a pu entraîner un écart conséquent entre un calcul prévisionnel du bilan azoté et un calcul refait a posteriori et basé sur les données climatiques de l’année.
Physiologiquement, la betterave valorise mal les apports tardifs d’azote, ce qui limite l’intérêt de travailler des stratégies de correction en cours de campagne. De nombreux essais conduits par l’ITB montrent que, dès le stade 6 feuilles, les apports d’azote peuvent entraîner des pertes de productivité, du fait de baisses du niveau de richesse. Le conseil pour la fertilisation devant donc être établi en début de campagne pour la betterave, sur la base d’un calcul prévisionnel, les doses conseillées d’apport d’azote ont pu être sous-estimées dans certaines situations en 2020.
Une réponse physiologique parfois étonnante
Dans certaines situations, la sous-estimation de la dose conseillée s’est bien traduite par une baisse de productivité de la betterave. Sur le site d’Ouainville, en Seine-Maritime (figure 4), avec apports de fumiers de bovins, une simulation faite a posteriori, sur la base du climat réel, entraîne une majoration de la dose conseillée d’environ 80uN/ha par rapport à la valeur prévisionnelle initiale, établie sur un climat moyen. Ceci est en adéquation avec la réponse de la betterave observée dans l’essai présenté (figure 4). En revanche, dans certaines situations, comme le cas d’un essai conduit par la délégation ITB de l’Aisne, une majoration de la dose conseillée n’aurait pas permis un gain de productivité. Or, comme dans le cas précédent, une simulation réalisée pour cet essai, a posteriori et sur la base du climat réel enregistré, indique une dose conseillée majorée de 60uN/ha par rapport à la valeur initiale établie sur un climat moyen.
La différence entre ces deux types de situations s’explique en partie par l’accès à l’eau pour la betterave. Malgré un stress hydrique moins impactant pour le développement de la betterave sur le site d’Ouainville que sur le site de l’Aisne, la couche minéralisante, correspondant à l’horizon labouré, a quand même été impactée. Il y a donc un écart entre le calcul prévisionnel, et le calcul a posteriori, probablement amplifié par la moindre minéralisation de l’apport organique. Une dose majorée aurait pu compenser le déficit de minéralisation et être valorisée par la betterave. Sur le site de l’Aisne, le sec a eu un impact beaucoup plus marqué sur le développement de la betterave (réserve utile moindre, conditions climatiques plus sèches). Celle-ci a mal valorisé l’azote présent dans le sol. Dans les situations fortement marquées par le sec, un conseil de dose majorée n’aurait donc pas nécessairement conduit à une meilleure valorisation pour la betterave.
Un autre point étonnant est le niveau de richesse décevant dans certaines régions, même très peu touchées par la jaunisse. Or, il ressort clairement des réseaux d’essais historiques de l’ITB des niveaux de richesse plus élevés dans les situations sous-fertilisées, probablement assez fréquentes en 2020. L’explication réside très probablement dans la réponse physiologique de la betterave à la séquence climatique subie. Après une longue période de temps sec, le retour tardif des pluies a pu engendrer une mise à disposition de l’azote conséquente (reprise de la minéralisation plus azote déjà disponible non absorbé) pour des betteraves stressées. Cela a pu ressortir visuellement dans certaines situations avec une production tardive de feuilles. Un prélèvement d’azote conséquent par ces betteraves en fin de cycle (figure 1) peut expliquer les baisses de richesse observées. Ce phénomène a aussi été observé dans des essais d’irrigation historiques, avec des baisses de richesse conséquentes sur des tours d’eau réalisés après de longues périodes de stress hydrique. Dans tous les cas, il reste délicat dans l’interprétation de séparer l’effet de l’eau de l’effet de l’azote dans la réponse physiologique de la betterave.
Un outil, Azofert®, évalué chaque année
L’outil Azofert® est à ce jour la solution la plus fiable pour déterminer la dose d’azote à apporter sur la betterave. Chaque année, l’ITB évalue, dans un réseau d’essais, la qualité globale du conseil donné par l’outil. La figure 2 compare les performances de productivité de modalités d’apports d’azote par rapport à celles de la dose conseillée. La figure 3 compare quant à elle les performances économiques : elle retranche au produit brut dégagé le coût de l’engrais (référence de prix ammonitrate). En moyenne, dans les essais conduits ces sept dernières années par l’ITB, recensés dans ces figures, une majoration de la dose conseillée de 40uN/ha apporte un léger gain de productivité, mais n’engendre aucun intérêt économique.
La qualité de prédiction d’Azofert® repose bien entendu sur la réalisation d’un reliquat azoté à la parcelle, et sur un renseignement précis de la fiche agronomique. Des écarts importants dans les valeurs de doses conseillées peuvent ressortir lorsque les informations indiquées sont erronées.
Bien positionner ses apports pour optimiser l’efficience de l’azote
La dose conseillée obtenue peut conditionner la période d’apport de l’engrais. En effet, pour des valeurs élevées, une certaine prudence est de mise pour éviter tout risque de brûlure du germe (figure 5). Pour des doses supérieures à 120kgN/ha, l’apport devra être réalisé au moins quinze jours avant le semis. A contrario, pour des doses conseillées faibles, inférieures à 80u/ha, des apports juste avant ou après semis sont possibles. Dans tous les cas, la réalisation d’apports localisés d’engrais au semis permettra une réduction de la volatilisation (pour des apports de solution principalement), une meilleure valorisation de l’azote par la betterave, et un nombre réduit de passages.
Dans le cas de contraintes d’interventions, obligeant à réaliser des apports proches du semis alors que la dose est élevée, il est possible de les fractionner. Deux tiers de la dose peuvent être apportés proches du semis et le tiers restant au plus tard au stade quatre feuilles de la betterave. Au-delà de ce stade, il y a un risque de perte de productivité, liée à un abaissement de la richesse.
C’est bien la question à laquelle doit répondre le projet OPERA. Celui-ci vise à développer un outil de simulation du reliquat sortie hiver (RSH) et à accompagner les agriculteurs pour le choix des parcelles dans lesquelles un reliquat doit absolument être défini sur la base de prélèvements de terre. Cet outil se basera sur des données d’entrée issues de la fiche de renseignements Azofert®.
Une première version de prototype, non aboutie, permet de faire tourner des simulations (figure 6). L’objectif est dorénavant d’améliorer ses performances de prédiction, insatisfaisantes en l’état actuel, et d’établir un diagnostic sur les situations qui seront jugées fiables.
Ce dernier permettra de définir les cas où la simulation pourra être réalisée, et les cas où des prélèvements de terre seront indispensables pour l’obtention d’une valeur fiable de RSH. L’opérationnalité de l’outil est visée pour 2023.
OPERA est financé par le Fonds européen agricole pour le développement rural, et la région Hauts-de-France. Il regroupe le Laboratoire Départemental d’Analyses et de Recherche (LDAR), l’ITB, la Chambre d’Agriculture des Hauts-de-France, et Tereos.